Le mouvement ouvrier et les partis de Gauche:
un mouvement pour le travail!
Mais cette idéologie du travail, les bureaucraties syndicales en ont même fait un programme de revendications. C’est une des lucidités de Lafargue▼ que d’avoir reconnu cette perversion du mouvement ouvrier qui luttait à l’origine contre le salariat, càd pour une vie décente et libre des représentations économiques.
Marx lui aussi va refuser l’orientation capitaliste et travailliste (qui sera celle de l’ensemble de son histoire) du mouvement ouvrier, en mettant en question, dans Critique du programme du parti ouvrier allemand, le principe communiste, qui se veut un principe de justice et d’égalité, qui donne à chacun selon son travail.
Le travail étant "subjectif, invisible, inquantifiable, variable d’un individu à l’autre selon sa force et ses capacités personnelles, il s’ensuit que, pour une même tâche, l’effort et la peine d’un individu seront infiniment > à ceux d’un autre. Donner un même salaire ou un même bien social à des activités individuelles foncièrement différentes, c’est l’injustice même. Considérer tous les hommes comme des travailleurs, comme le fait le communisme (et aussi le capitalisme), c’est porter à l’absolu la différence de leurs talents et de leurs dons, c’est l’inégalité même"[M. Henry, op. cit., p.173] .
"Ce droit égal, écrit Marx de façon lapidaire, est un droit inégal pour un travail inégal"[15].
Ainsi ce que n’ont jamais compris les forces syndicales et les partis de Gauche et d’extrême-gauche, c’est que "rien de l’activité volée dans le travail ne peut se retrouver dans la soumission à son résultat"[16].
Dans la Critique du programme du parti ouvrier allemand, "texte décisif parce qu’il prend dans l’unité d’une même vue la société bourgeoise, càd l’économie marchande, la société communiste, càd la société socialiste dans sa 1ère phase, non pas telle qu’elle se développe à partir de ses propres bases, mais telle qu’elle vient d’émerger de la société capitaliste"[17] grâce à l’émergence d’un vaste mouvement ouvrier, Marx est en accord avec les thèses avancées 5ans + tard par son gendre, Paul Lafargue.
Les représentants politiques et syndicaux auto-proclamés des milieux salariés, ont alors abandonné l’idée que le socialisme ne soit possible que par l’extension à l’ensemble des sphères de la socialité, de la sensibilité morale populaire, ce qu’Orwell a appelé la "common decency", ce sens moral de l’homme ordinaire[18].
Les professionnels de la représentation et des luttes spectaculaires (au sens de ◄Debord), n’ont alors eu que pour seul projet d’émancipation, l’économisme et le juridisme révolutionnaires, soit le capitalisme à visage humain (+ connu sous le nom de code "altermondialisme").
"Si déracinant de son cœur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l’homme, qui ne sont que les droits de l’exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au Travail, qui n’est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d’airain, défendant à tout homme de travailler plus de 3h/j, la Terre, la vieille Terre, frémissant d’allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers... Mais comment demander à un prolétariat corrompu par la morale capitaliste une résolution virile?"[Paul Lafargue, op. cit., p.47]
Le droit au travail (et aujourd’hui sa défense négative par les forces syndicales dites "antilibérales" ou "altermondialistes") a été une idée inculquée par l’adversaire: les victimes elles-mêmes courent ainsi au-devant de leurs propres malheurs, et ils en redemandent! Ce sont les salariés (du public comme du privé) qui demandent de toutes leurs forces - parfois les armes à la main ou avec le pavé facile - d’être enchaînés à leurs outils de travail. Et à vouloir rentrer dans le jeu de l’acceptation du salariat, tous les Besancenot de la Terre, les Thibault et autres Chérèque, ne sont finalement que "ce florissant personnel syndical et politique, toujours prêt à prolonger d’un millénaire la plainte du prolétaire, à seule fin de lui conserver un défenseur"[19].
Le mouvement ouvrier est un mouvement pour le travail[20]. Tant que cette gauche progressiste ne s’évertuera pas à
"jeter aux oubliettes le droit du travail qui, dans la réalité n’est que droit à la détresse du corps et de l’esprit, et donc un interdit de tout espoir de liberté et de plein vivre",
alors "la vraie vie, celle de tous les rêves de tous les temps, celle qui devrait assurer l’épanouissement de la nature humaine dans toutes ses nuances, est [et sera] annihilée ante litteram par l’étouffante et médiocre captivité du salariat"[21].
Ce que dénonce Lafargue n’est pourtant pas seulement la revendication syndicale d’un droit du Travail comprenant tous les acquis sociaux encadrant la forme contractuelle du salariat, qui fait trop souvent l’unique revendication de notre Gauche et Extrême-Gauche progressiste actuelle, même quand elle soutient (envers et contre tout) qu’elle est encore "révolutionnaire".
"C’est précisément alors que, sans tenir compte de la démoralisation que la bourgeoisie s’était imposée comme un devoir social, les prolétaires se mirent en tête d’infliger le travail aux capitalistes. Les naïfs, ils prirent au sérieuxles théories des économistes et des moralistes sur le travail et se sanglèrent les reins pour en infliger la pratique aux capitalistes"[P. Lafargue, op. cit., p. 37].
[15] K. Marx, Critique du programme du parti ouvrier allemand, in Œuvres, Economie I, Gallimard, "La Pléiade", Paris 1963, p. 1420
[16] Guy Debord, La Société du spectacle, thèse 27► "l’actuelle ‘libération du travail’, l’augmentat° des loisirs, n’est aucunement libération dans le travail, ni libération d’un monde façonné par ce travail"
[17] Michel Henry, Marx, tome 2, Gallimard, Tel, p. 145. Du sens de cette phrase de Marx: "La société communiste... n’est pas celle qui s’est développée sur ses bases propres, mais au contraire celle qui vient d’émerger de la société capitaliste; c’est donc une société qui, à tous égards... porte encore les stigmates de l’ancien ordre...", Ch. Marx, Critique du programme du parti ouvrier allemand, 1875
[18] ▲J.C. Michéa, Orwell, anarchiste tory et Orwell éducateur, aux éditions Climats
[19] Guy Debord, In Girum imus nocte et consumimur igni, 1978►
[20] Cf. le chapitre du Groupe Krisis, op. cit. du même nom
[21] Gigi Bergamin, "Eloge de la vraie vie", postface à Paul Lafargue, op. cit., p. 68
L’alternative à la soumission au Travail,
c’est la constitution de la société autonome
Certains pourraient déjà continuer à lire les idées contenues dans ce texte en ne les considérant plus qu’avec une sympathie amusée, et ils en resteraient là. C’est peut-être qu’il n’est guère opportun de trop bouleverser notre petit potager des idées reçues.
Il faut changer de révolution, car en effet "l’autonomie, telle est bien la question centrale, aujourd’hui + que jamais"[22].On ne peut plus rester attacher à une classe-sujet quand le capitalisme a très largement transformé le producteur en un consommateur. Cela a été la lucidité de l’Internationale Situationniste d’élargir radicalement la définition du fameux "prolétariat":
sont les prolétaires "tous ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur vie et qui le savent"[23].
"Il y a une 50aine d’années écrit ◄François Partant, existait encore en France ce qu’Ingmar Granstedt [24] à la suite d’Ivan Illich▼ et de son école (dont Gorz), appelle le mode de production autonome.
En dehors de la classe ouvrière, de très nombreux travailleurs produisaient à partir de ressources locales, à l’aide d’instruments simples et d’un usage souple, de quoi satisfaire leurs besoins propres et ceux d’un groupe social relativement étroit. A ce mode de production s’est rapidement substitué le mode de production intégré [le mode de production hétéronome], qui met en oeuvre
des moyens techniques lourds,
des capitaux importants,
et qui impliquent des spécialisations poussées,
de sorte que toutes les activités productives deviennent interconnectées (donc les travailleurs interdépendants) à une échelle planétaire.
Aujourd’hui, si un puits de pétrole s’enflamme en Arabie saoudite, le four de notre boulanger de village s’arrête. Cette évolution du mode de production s’est accompagnée de la transformation en activités marchandes de toutes les activités sociales (culturelles, sportives, etc) qui pouvaient le devenir.
Du coup, l’individu se trouve complètement "socialisé", càd pris en charge, de sa naissance à sa mort et à tous les instants de sa vie, par le Capital et l’État. Tandis que l’un ou l’autre de ces 2 pouvoirs lui donne un travail (à env.90% de la pop° active), le capital lui fournit une baraque préfabriquée, des choux calibrés, un téléviseur pour recevoir chez lui Sheila. Si bien que le travailleur, à ses heures de loisir et en dépensant son salaire, contribue à la prospérité générale autant qu’en travaillant. Quant à l’État, il fournit à l’individu d’innombrables services (dep. le certificat de naissance jusqu’au permis d’inhumer), ainsi qu’un policier pour le protéger, un juge pour le foutre en prison en cas de besoin, un gardien pour éviter qu’il n’en sorte, etc. Tous les goûts étant dans la nature, vous n’aimez peut-être pas Sheila (moi non plus) ni les casques policiers (moi, d’une façon générale, je n’aime pas les uniformes). Mais il n’empêche que n’importe quelle production de biens ou de services, même sans la moindre valeur sociale, même dangereuse ou condamnable (armements, centrales nucléaires, etc) doit être préservé dès lors qu’elle existe. Et cela, non seulementparce qu’elle crée des profits et des emplois, mais parce qu’elle a un effet d’entraînement direct et indirect sur d’autres activités. De ce point de vue, l’économie est un peu comme un tissu. Si vous tirez sur un fil, vous risquez d’entraîner les autres jusqu’à défaire le tissu. Vous déclenchez une crise" [François Partant, "Pour qui travailler?"1982].
Ainsi, dans le mode de production hétéronome, le travailleur ne se produit pas lui-même, il produit une puissance indépendante. Une méga-machine techno-économique dans laquelle chacun est l’intermédiaire commercial d’un autre, tous interdépendants dans la satisfaction séparée et parcellisée des besoins réels (de + en + irréels) de chaque élément humain posté sur un "site" national du camp de travail mondial. Tous simples rouages d’un système (de + en +) planétaire.
La question est donc, comme dit F. Partant, de tirer sur le fil jusqu’à défaire tout le tissu de l’économique. Car la décroissance c’est d’abord et surtout la sortie de l’économie.Et la meilleure façon de nier l’économique, c’est bien de se réapproprier ce mode de production autonome au-delà de toute économie alternative, possible et imaginable qui ne ferait qu’éterniser notre condition de rouage. La société autonome notamment telle que la pensent Arendt, Castoriadis et Illich [25], voilà de quoi permettre aux héritiers des 1ers socialismes de dégager, ici et maintenant (et non pas au-delà de la crête de l’horizon, ou dans l’attente eschatologique des prochains conflits sociaux annonçant le Grand Soir), un projet positif et radical de désamarrage du vaisseau-fantôme de l’économie. C’est aussi donner une positivité à la critique désormais sans concession du capitalisme.
La sortie du système de production-consommation suppose en effet une toute autre organisation dans laquelle le loisir et le jeu soient valorisés à côté du travail non aliéné, càd l’autonomie individuelle et collective. Le travail devenu enfin activité et créativité comme l’est le travail vivant, "deviendra un condiment de plaisir de la paresse, un exercice bienfaisant à l’organisme humain, une passion utile à l’organisme social que lorsqu’il sera sagement réglementé et limité à un max de 3h/j"[P. Lafargue, op. cit., p.28].
Il s’agit alors de "suggérer une voie autre, commençant à la base, au ras de notre quotidien, et où chacun est convié ici et maintenant à laisser fleurir son imagination, sa gaîté et sa perspicacité naïve"[26]. En un mot, de réapprendre la faculté d’user de ses propres capacités, à la place de toujours + se laisser manipuler par la production toujours + accrue de services hétéronomes (le dernier des chantiers ouvert par la méga-machine étant celle des fameux "services à la personne").
Il s’agit alors d’"une manière de produire fondée sur les capacités qu’à chaque personne, homme ou femme,
d’agir elle-même,
d’utiliser elle-même les possibilités offertes par son environnement naturel, technique et culturel pour prendre soin d’elle-même et de ses proches.
Manière qui fait fond sur l’autonomie de chacun, - non pas sur l’autarcie, mais sur l’autonomie d’action -, sur ces actes multiples et variés que chacun est capable de tisser dans son existence, créant et nourrissant par là-même des relations avec ceux au milieu desquels il vit: apprendre, jardiner, cuisiner, se vêtir, faire un meuble, composter des déchets, soigner un malade, égayer une fête, élever un mur, utiliser une fraiseuse, réparer un moteur... Réhabiliter et recouvrer cette manière-là de produire suppose de désindustrialiser très largement l’économie pour réoutiller les gens là où ils vivent, dans leur commune, leur quartier, leur immeuble. Cela suppose de réorienter sciences et techniques vers la création d’outils adaptés à l’action autonome des gens"[Ingmar Granstedt, op. cit., p. 8-9].
Mais dans ce dépassement du développement de l’économie inventée [27] vers la société autonome de la décroissance, "peut-on encore parler de mode autonome de production?
Des activités autonomes, où l’économique se confond avec des formes personnelles ou culturelles de sociabilité, sont-elles une “production” au même titre que celle d’une entreprise ou d’un organisme public?
Tuer et saler un cochon à l’aide des voisins, selon les coutumes et des règles de réciprocité qui signifiaient bien + qu’une simple collaboration technique, était-ce produire au même titre qu’une usine de charcuterie?
Se relayer entre parents et amis pour veiller un malade, à domicile, est-ce fournir des actes comptabilisables au même titre que ceux du personnel hospitalier?
Il semble bien que non. Ivan Illich propose de parler plutôt d’activités vernaculaires"[I. Granstedt, op.cit., p.9-10].
La société de décroissance est ainsi une sortie de l’économique, de l’économie inventée, càd une sortie de la société de la valeur et de la valeur d’échange[28].
Comme l’écrit de façon visionnaire Lafargue, "la quantité de travail requise par la société est forcément limitée par la consommation et par l’abondance de la matière première"[29]. Et cela même dans une pseudo économie qui n’aurait d’"immatérielle" que le nom. Néo-marxisme (altermondialisme) et libéralisme ont pourtant comme point commun de
- faire de la rareté la malédiction permanente pesant sur les humains,
- et de la poursuite de l’abondance la condition de leur émancipation.
Ils pensent que c’est l’abondance (permise par les bases matérielles de la croissance économique) qui permettra "l’élévation du niveau de vie" càd l’obtention d’un "minimum vital". Or la rareté est en réalité totalement fictive, elle est l’illusion naturelle des économistes libéraux et des sociaux-économistes critiques (marxistes ou "atermondialistes"). Car "ces misères individuelles et sociales, pour grandes et innombrables qu’elles soient, pour éternelles qu’elles paraissent, s’évanouiront comme les hyènes et les chacals à l’approche du lion, quand le prolétariat dira: ‘‘Je le veux’’"[Ibid. p.28].
L’anthropologue Marshall Sahlins► est largement venu corroborer ces vues [30]: Nos ancêtres de l’âge de pierre ne travaillaient pas 35h/sem pour satisfaire leurs besoins. Ils ne faisaient que 3 ou 4h de "travail" par jour pour assurer la satisfaction des besoins du groupe. L’âge de pierre n’était pas un âge de la rareté mais de l’abondance.
Dès 1981, ▼Jacques Ellul fixait comme objectif la réduction drastique du temps de travail.
Les 35h? Non, "c’est totalement désuet".
Le but à atteindre: 2h/j [31].
Certes, reconnaît-il cela n’est en rien facile ni sans risques:
"Je sais très bien ce que l’on peut objecter: l’ennui, le vide, le développement de l’individualisme, l’éclatement des communautés naturelles, l’affaiblissement, la régression économique ou enfin la récupération du temps libre par la société marchande et l’industrie des loisirs qui fera du temps une nouvelles marchandise".
Mais s’il imagine facilement
"ceux qui vivront collés à leur écran TV, ceux qui passeront leur vie au bistrot", etc.,
il se dit convaincu qu’ainsi
"nous serons obligés de poser des questions fondamentales: celles du sens de la vie et d’une nouvelle culture, celle d’une organisation qui ne soit pas contraignante ni anarchique, l’ouverture d’un champ de nouvelle créativité... Je ne rêve pas. Cela est possible. (...) L’homme a besoin de s’intéresser à quelque chose et c’est de manque d’intérêt que nous crevons aujourd’hui".
Avec du temps libre [32], et des possibilités d’expression multiples,
"je sais que cet homme ‘‘en général’’ trouvera sa forme d’expression et la concrétisation de ses désirs. Cela ne sera peut-être pas beau, ce ne sera peut-être pas élevé ni efficace; ce sera Lui. Ce que nous avons perdu"[33].
Serge Latouche► dégage alors 4 facteurs pour la création d’une société autonome débarrassée du travail:"
1) La baisse de la productivité incontestable due à l’abandon du modèle thermo-industriel,
2) La relocalisation des activités et l’arrêt de l’exploitation du Sud,
3) La création d’emplois pour tous ceux qui le désirent,
4) Un changement de mode de vie et la suppression des besoins inutiles. Les deux 1ers jouent dans le sens d’un accroissement de la quantité de travail, les 2 derniers en sens contraire. Mon sentiment est que la satisfaction des besoins d’un mode de vie convivial pour tous peut être satisfaite en s’orientant vers une diminution sensible des horaires du travail obligatoire"[34]. Nous pourrions ainsi arriver à terme à nous "activer" (et pas travailler) qu’une 20aine d’heures/sem (soit 2 ou 3h/j).
Il est bien sûr évident "que le temps gagné n’est pas du temps non aliéné puisque consacré à la télévision et aux loisirs marchands"[P. Ariès, op. cit., p.106]. Comme le faisait remarquer ◄B. Charbonneau, "cette société des loisirs est aussi contraignante que celle du Travail. Encore + directement menacée par l’ennui, elle se lance, jour et nuit, dans une rage d’activité que l’auto permet de déployer toujours + loin"[35]. Alors il faut certainement réinvestir la paresse, la créativité, la vie ordinaire. Mais également comme "le travail emporte tout le temps et avec lui on n’a nul loisir pour la République et les amis"[Citation de Xénophon, in Lafargue, op. cit., p.58], ce temps libéré doit nous permettre de disposer (enfin) des moyens pour
faire de la vie publique une chose véritablement publique.
La démocratie participative voire directe pourront dès lors être nos horizons d’attente et de réalisation concrète.
Après faut-il défendre l’idée d’un "revenu universel inconditionnel" comme le pensent certains?
Ou encore faut-il revendiquer le passage aux "32h pour tous"?
Il nous faut pourtant garder à l’esprit qu’il peut y avoir là (trop souvent) l’illusion de l’homme politique comme celle du citoyen [J. Ellul, L’illusion politique, La Table Ronde, 2004 (1965)]. Il faut peut-être
préférer poser qlqs balises et réaliser l’autonomie concrète,
que verser dans une planification réglementaire qui glisserait trop rapidement
vers une technocratie-écologiste.
Certes, le revenu universel inconditionnel est peut-être intéressant pour mettre à bas la 1ère formule de l’idéologie du travail, "Qui ne travaille pas, ne mange pas", mais il nous renvoie immédiatement vers une architecture de celle du type de l’"ogre philanthropique" selon le mot d’Octavio Paz►. Certes, difficile de croire à la génération spontanée, et la sortie de l’idéologie du travail pour tous est un point de mire qui doit être atteint par paliers. On retrouve là nombreux débats du début du XXè s. sur le possibilisme.
De toute façon, dans une société autonome ou l’économie serait relocalisée,
"du moment que les produits européens consommés sur place ne seront pas transportés au diable, il faudra bien que les marins, les hommes d’équipe, les camionneurs s’assoient et apprennent à se tourner les pouces"[36].
Que la crise s’aggrave! Que la vie l’emporte!
à suivre
Clément Homs
[22] cf M.Amiech et J.Mattern, Le Cauchemar de Don Quichotte. Sur l’impuissance de la jeunesse d’aujourd’hui, Climats 2004►
[23] Union Nationale des Etudiants de France, Assoc° Fédérative Générale des Etudiants de Strasbg, ◄De la misère en milieu étudiant. Considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de qlqs moyens pour y remédier, 1966
[24] L’impasse industrielle, par Ingmar Granstedt
(Editions du Seuil)►
[25] Voir l’excellente brochure infokiosque de M. Chameau,"Vous avez dit 'autonomie'? Regards croisés sur les pensées de Cornélius Castoriadis et Ivan Illich"
[26] ◄Ingmar Granstedt, Du chômage à l’autonomie conviviale, co-éd° Silence-Utovie-Ligne d’Horizon-MRERS, p4
[27] S. Latouche, L’invention de l’économie▼, Albin Michel, 2005
[28] Anselm Jappe, Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur▼, Denoël 2003
[29] Lafargue, ibidem, p.42. Certes l’on sait que les besoins d’objets libidinaux se sont largement substitués aux besoins réels. Il faut noter également que Lafargue comme la quasi-totalité des penseurs de Gauche, pensait grâce à l’automation faire disparaître les travaux pénibles, ce vieux rêve déjà présent chez Aristote. "C’est parce que vous travaillez trop que l’outillage industriel se développe lentement", p.45. Ou encore "Pour forcer les capitalistes à perfectionner leurs machines de bois et de fer, il faut hausser les salaires et diminuer les heures de travail des machines de chair et d’os", pp. 45-46. "La machine est le rédempteur de l’humanité, le Dieu qui rachètera l’homme des sordidae artes et du travail salarié, le Dieu qui donnera des loisirs et la liberté", p.59. La fin du travail comme la pense Lafargue intègre ainsi les gains de productivité rendus possibles par le machinisme. Cette position était encore présente dans l’Ultra-gauche, chez un Asger Jorn ou un Murray Bookchin par ex, jusqu’à (notamment) l‘aventure des éd° de l’Encyplopédie des Nuisances à partir des années 1990 qui a su engager la critique de l’industrie et de la technique. Il manquait à cette Ultra-Gauche technophile la lecture de Sahlins, Clastres, Husserl, Anders, Arendt, Heidegger, Henry, Orwell, Adorno et Marcuse. Ils ne lui manquent plus.
[30] Marshall Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance, Bibliothèque des scies humaines, Gallimard 1976
[31] Ellul s’inspire de 2 ouvrages▲ d’Adret , Deux heures par jour et du même auteur La Révolution des temps choisis
[32] Pour une critique correcte du temps libre marchandisé cf G. Debord, La Société du Spectacle, ChapVI Le temps spectaculaire
[33] ▲Jacques Ellul, Changer de révolution cité par Jean-luc Porquet in J. Ellul L’homme qui avait (presque) tout prévu, Ed. Le Cherche Midi, 2003, pp 212-213. Repris de Latouche ci-dessous
[34] Serge Latouche, "2 h de travail par jour?", dans La Décroissance, n°23, sept 2004, p.7
[35] Charbonneau, Le Jardin de Babylone►, L’Encyclopédie des Nuisances, 2002 (1969), p.191
[36] Paul Lafargue, op. cit., pp. 47-48
promis, demain je fais plus court!!
proposé par mamadomi