Roberto Gamito
"Margot, Adrien, allez on y va."...
Je suis à côté de la voiture et les enfants ramassent des marrons sur le trottoir. Ils font semblant de ne pas m'entendre et continuent leur quête:
"Là regarde, celui-là, c'est pour moi!
- Tiens, je t'en donne un dans ta poche."
Je commence à sentir l'énervement monter... quand je me pose la question:
"Pourquoi diable est-ce que je désire tant qu'ils montent en voiture tout de suite?"
Parce que je l'ai décidé ainsi? Quelles sont mes raisons? Nous sommes dimanche, je suis seule avec eux, j'ai décidé de leur consacrer toute cette belle journée. Il est midi, c'est vrai, mais la faim ne semble pas les tenailler... Pourquoi donc courir? Quelle différence y a-t-il entre ramasser des marrons sur le trottoir, jouer au square ou faire un tour de manège? Pourquoi ne pas les laisser à leur plaisir sur ce trottoir? En +, ça ne coûte rien! Nous sommes finalement restés une bonne vingtaine de minutes à ramasser de beaux marrons tout lisses et brillants.
Vous avez, j'en suis sûre, déjà rencontré ce type de situation. Nous réagissons souvent de manière automatique, nous ferions bien de nous poser + souvent la question:
"Pourquoi? Qu'est-ce qui me pousse à dire oui ou non aux demandes de mes enfants? Qu'est-ce qui me dicte mon attitude?"
La 1ère fois que Margot a désiré manger sa glace en entrée, je me suis entendue dire:
"Non, la glace est un dessert, on la mange en dernier."
Alertée par le caractère automatique de ma réponse, je me suis posé la question:
"Pourquoi je dis cela?"
< Ryo Iwai
Réfléchissant réellement et scientifiquement au problème, je me suis rappelé la diététique et le fonctionnement de l'estomac... le sucré incite à la sécrétion d'insuline, il prépare à la digestion... Si nous mangeons du sucré en fin de repas, c'est parce que nous voulons encore manger, alors que nous n'avons plus faim. Pour pouvoir encore avaler quelque chose, il nous faut tromper notre organisme... C'est un usage, culturel, une habitude agréable pour la plupart d'entre nous mais, réflexion faite, ce n'est pas très sain. J'ai donc donné sa glace à ma fille. Elle a ensuite très bien mangé tout son repas. Depuis, elle mange de temps en temps un fruit, une glace ou du gâteau avant les pâtes ou les haricots verts, mais c'est de + en + rare au fur et à mesure qu'elle grandit et respecte naturellement les usages qu'elle voit autour d'elle. Il lui est arrivé de préférer son dessert au milieu du repas, ou même de ponctuer chaque plat d'une bouchée de gâteau ou d'une clémentine. Pourquoi donc le lui interdire du moment qu'elle mange de tout et, globalement sur la semaine, d'une manière équilibrée, d'autant que la science lui donne raison (sauf pour les clémentines qui sont acides et ne se mêlent pas forcément harmonieusement aux autres plats).
Est-ce la santé ou les convenances sociales qui dictent mon attitude? En tant que parent, je suis responsable de la santé de mon enfant, mais aussi de sa socialisation. On peut expliquer à une enfant que c'est une convenance sociale, une habitude culturelle, mais il est important de ne pas mélanger les 2 enjeux, en assénant par ex à l'enfant qu'il est nocif pour sa santé de manger le dessert au début du repas.
Il est évident qu'il ne serait pas sain pour un enfant de ne manger que des glaces. Si la glace est trop copieuse, l'enfant peut ne plus avoir envie de légumes... N'allez pas vous imaginer que je suis en train de vous conseiller de donner leur dessert à vos enfants en début de repas!
Roberto Gamito
La crainte fréquente des parents lorsqu'ils accèdent à une demande originale de leur enfant est que cela ne devienne ce qu'ils nomment "un caprice". Les caprices sont des inventions des parents. Ils surgissent lorsque les parents se prennent les pieds dans les jeux de pouvoir. Quand Margot a demandé une glace en début de repas, ce n'était pas un caprice mais une exploration. Je me serais braquée contre cette idée, entrant ainsi dans le jeu de pouvoir, elle aurait probablement répondu dans le jeu de pouvoir en se bloquant elle aussi sur sa position. Je pense que les jeux de pouvoir sont initiés par les parents et non par les enfants. Preuve s'il en est, on dit qu'un nourrisson risque de vous dominer si vous vous laissez faire par lui! Alors qu'il est totalement dépendant de vous et n'en a clairement pas les possibilités mentales.
Vos comportements sont-ils dictés par votre éducation, par des automatismes dont vous ne savez plus l'origine, par l'évidence (parfois trompeuse)? ou par la raison? J'entends ici par raison non pas le préjugé de vos parents ou de votre médecin de famille, mais votre raisonnement sur la base d'informations fiables.
Il est vrai qu'il faut faire son chemin parmi les informations déformées que nous présente la publicité...
Une mère me confiait combien elle devait se battre avec son fils pour qu'il accepte de manger son yaourt quotidien. Victime de la publicité, elle croyait avec sincérité qu'il était bon, voire nécessaire pour la croissance de son enfant, qu'il mange des laitages! La voix des lobbies agro-alimentaires était si forte qu'elle ne pouvait entendre son fils. Quand elle a découvert une information plus neutre et donc + objective, elle a mesuré son erreur. Elle imposait tous les jours à son fils un yaourt acidifiant son estomac, apportant nettement moins de calcium que les amandes et noisettes dont il raffolait. Bref, ce qu'elle croyait être sain ne l'était pas tant que ça! [rappelons-nous le contre-slogan: les produits laitiers sont vos amis pour deux ans, en général!]
Dmitri Brodetsky
Lors de nos dernières vacances, dans un hôtel, je suis restée stupéfaite par une courte scène. Nous étions autour d'un buffet et chacun pouvait choisir son plat. Ce jour-là, il y avait: saucisses de Francfort ou escalope cordon-bleu Une petite fille accompagnée de son père a insisté pour avoir des saucisses. Le père a refusé avançant:
"Maman a dit cordon-bleu, ce sera cordon-bleu."
Il est vrai que les saucisses ne sont pas un aliment particulièrement diététique. Mais l'escalope cordon-bleu, c'est une escalope de poulet (de batterie en l'occurrence) avec une tranche de jambon et du fromage, le tout pané. On peut aimer, soit. Mais 3 protéines ainsi associées ne sont guère défendables sur le plan diététique. Ce que désirait la petite fille, une saucisse, n'était pas pire, pourquoi ne pas le lui permettre.
On reste coi devant tant d'absurdité, tant d'inconscience. L'enfant a vite accepté son sort, elle avait pourtant une dizaine d'années. Sa mère régentait sa vie, manifestement sans se poser trop de questions sur le sens de ce qu'elle imposait.
On peut tout savoir. Mais quand nos enfants nous font des demandes, pourquoi ne pas les écouter et nous poser cette question, contextuelle:
Pourquoi je dis cela?
I.Filliozat
Roberto Gamito
proposé par mamadomi
rééd° 10 04 13