Le premier amour est une deuxième chance
Les premières actions de la conjugaison amoureuse se font avec les indices corporels qui témoignent des styles affectifs auparavant acquis. Les observations éthologiques commencent à expliquer comment l'attachement insidieux participe à l'amour fulgurant.
L'intensité du moment amoureux, l'interpénétration des styles affectifs créent une période sensible où les apprentissages, à nouveau exacerbés, permettent aux partenaires de s'épanouir mutuellement en se donnant le plaisir de la découverte et la possibilité de corriger un style affectif auparavant difficile. Mais cette période sensible peut aussi aggraver un style affectif fragilement tissé ou même déchirer un attachement antérieurement sécure.
Il s'agit vraiment d'une période sensible où d'autres apprentissages deviennent possibles. C'est un tournant de l'existence qui souvent déclenche un processus de résilience mais qui peut à l'inverse délabrer un conjoint dont l'attachement était bien tissé. La force qui aiguille dans un sens ou dans l'autre est une conjugaison des styles affectifs, un ensemble de forces historiques et paraverbales qui organisent la manière d'être ensemble du couple. La conjugalité ainsi ordonnée offre une possiblité de remaniement affectif où chacun influence l'autre pour le meilleur ou pour le pire. La sécurité du couple permet d'apprendre un attachement sécure auparavant mal acquis, ce qui explique la possiblité de résilience que donne l'amour. Biologiquement aussi, la relation amoureuse donne une possibilité de métamorphose ou de changement de direction. L'intensité émotionnelle et les sécrétions hormonales ont un effet sur le cerveau qui correspond à une nouvelle synaptisation, établissement de voies neurologiques auparavant non circuitées. Toutes les conditions confluent pour faciliter une 2ème empreinte. Après avoir été marqué par son milieu précoce qui lui a appris un style affectif, la relation amoureuse donne au jeune une 2ème chance, une possibilité de modifier les représentations négatives de soi acquises au cours de son enfance, et même la possibilité de cesser d'être délinquant en s'engageant dans un nouveau style de socialisation.
Bien plus que d'une transition, il s'agit d'un véritable tournant de l'existence, parfois même une métamorphose où le biologique, l'affectif et le social se coordonnent pour prendre ce virage avec plus ou moins de bonheur.
Une théorie de la résilience doit donc s'intéresser aux changements que l'on constate et aux conditions affectives et culturelles qui modifient la réceptivité d'un organisme. En créant de nouvelles périodes sensibles, le sujet prend d'autres empreintes qui modifient son style affectif. Ces virages permettent l'apprentissage d'habiletés relationnelles inattendues et instaurent une différente manière de goûter le monde. Un style affectif nous a orienté vers un type de rencontre amoureuse qui en retour a modifié ce style affectif!
La méthode des questionnaires où l'on envoie par la poste des enquêtes anonymes aux quelles le sujet répond, s'il le veut bien, permet de dessiner une vue d'ensemble des rencontres sexuelles de la population générale:
16% des moins de 24 ans et 22% des plus de 50 ans n'ont eu aucun rapport sexuel lors de l'année passée;
70% des plus de 65 ans ont arrêté cette activité;
2,7% des hommes
et 1,7% des femmes ont connu plusieurs encontres homosexuelles.
Mais ce qui nous intéresse, afin de tenter une corrélation entre l'attachement et la sexualité, c'est de constater que les célibataires ont beaucoup de rencontres sexuelles, ce que l'on peut comprendre, mais aussi que les intellectuels qui ont une sexualité de couple moins ardente connaissent un plus grand nombre d'aventures extraconjugales. Un style existentiel peut donc participer à la manière dont nous organisons notre vie sexuelle. Les flèches décochées par Cupidon ne frappent pas au hasard. Les petits archers de l'amour ne visent que ceux et celles qui se proposent pour cibles. Le hasard ne joue que parmi ceux qui se placent dans la trajectoire du trait et ne font pas le petit saut de côté qui suffirait à l'éviter. La raison pour laquelle on se rencontre, le mythe fondateur du couple devient ainsi un organisateur de la personnalité du couple, de son style relationnel et des engagemens qui le caractérisent. Dans les mariages arrangés, l'enjeu du couple est clairement énoncé par la culture et les jeunes gens sont fiers de se soumettre à la loi du groupe. Alors que, dans les couples d'amour, l'intention de vivre ensemble est plus psychologique et les pressions sociales, quoique très puissantes, deviennent plus personnelles. Le choix amoureux élargit le cercle des possibles et respecte moins les contraintes sociales.
B. Cyrulnik
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