... aux grévistes!
Un nouveau style de grève, fondé sur la gratuité des transports, des communications, des soins, de l’enseignement, de l’énergie est de nature à nous doter d’une arme légale, capable de venir à bout de l’escroquerie universelle qui ravale les biens terrestres et les êtres humains à l’état de marchandises. Raoul Vaneigem
L'un des pères du situationnisme nous propose ici un pamphlet anticapitaliste, sous forme de doléances, formulées dans une langue très belle, pleine de verve et de colère. Certains le trouveront évidemment difficile à suivre dans sa critique radicale comme dans ses propositions. Raoul Vaneigem s'en prend aux entreprises qui licencient et qui polluent. Il les accuse de détruire toute véritable richesse autre que l'argent. Il s'en prend aussi aux médias, accusés d'"asséner des mensonges sans relâche", aux "gens de pouvoir", aux enseignants devenus des "gestionnaires à qui il est enjoint de former les jeunes gens à une science qui gouverne les autres, celle de faire fructifier l'argent auquel ils auront droit". Et il s'en prend évidemment encore et toujours au mal absolu: l'argent, qui "tue". Car Raoul Vaneigem, auteur libertaire continue à prôner l'abolition de la monnaie. Le catastrophisme est de mise, car, dit-il, "la déshumanisation" nous guette. Face à cela, estimant que "le travail a perdu graduellement son statut d'activité socialement utile pour ne garder d'autre intérêt que fournir l'argent qu'absorbera la consommation", il recommande la grève générale.
Certes, il est impossible de nier les dégâts écologiques et sociaux du consumérisme et de la course à la productivité. Certes encore, la délinquance en col blanc est insuffisamment réprimée. Certes enfin, les privatisations se succèdent, parfois dans des secteurs qui auraient tout intérêt à rester publics. Mais de là à en déduire que "la corruption ne se montre plus depuis qu'elle est partout", que "l'Etat entreprend de nous détrousser de notre bien pour le revendre à des agioteurs", on a envie de lui demander d'aller faire un tour en Russie, c'est vrai...
De même, on ne peut le suivre lorsqu'il explique que "chaque fois qu'un enfant ou un adolescent est pris à voler dans un magasin, il paraît juridiquement pertinent d'attaquer la firme et l'entreprise publicitaire qui l'ont appâté". Car les origines de la délinquance sont en effet bien + complexes.
Et quand, après cette longue liste de doléances, il nous explique que les solutions sont dans l'agriculture biologique (certes + respectueuse de la nature), les énergies renouvelables (certes fondées sur une forme de gratuité puisque le vent et le soleil sont disponibles sans fin), et le libre accès des transports publics et des lieux culturels, on peut se demander qui finance tout cela, si ce n'est cet Etat tant honni par Vaneigem... sauf que, le titre nous annonce bien "Modestes propositions"...aux grévistes... à nous de construire pragmatiquement sur ces fondamentaux ...
proposé par mamadomi