C'était en Inde durant l'interminable guerre fratricide entre les familles Kaurava et Pandava. Il y avait en ce temps-là une fille de paysan qui s'appelait Alambusa. elle était si belle et si troublante que lorsqu'elle déambulait le long des ruelles du village, les hommes en perdaient littéralement le sens; Ainsi, un jour, en la regardant passer, un barbier trancha net une oreille sans même s'en rendre compte, et l'amputé, tout autant charmé, ne s'en aperçut pas davantage. Alambusa apprit précocement à faire usage de ses précieux attraits et à en user abondamment. Elle collectionna les amants, s'enivra du plaisir des corps et de l'exaltation des sens. Cependant, elle se lassa tout aussi rapidement de la licence, et perdit peu à peu le goût des jeux amoureux. Bientôt, sa vie commença à lui paraître vaine et elle en vint même à être entièrement dégoûtée du désir des hommes. Elle marcha alors jusqu'aux Himalaya, se choisit une retraite, vécut en ascète, et son repentir fut tel que le dieu Shiva, touché par sa ferveur, lui apparut et lui accorda le don d'un voeu.
Alambusa choisit de pouvoir tuer toute personne sur laquelle elle cracherait. Dès lors, elle retourna à la vie et cracha sans hésiter sur tous les hommes qui l'abordaient ou l'importunaient en raison de sa beauté. Elle fit grand bruit et grand ravage. Enfin, la rumeur de son don redoutable parvint aux oreilles du prince Duryodhana, fils aîné des Kaurava. Il la fit venir en toute hâte et la pria d'aller cracher sur Arjuna, héros invincible de la famille Pandava, dont le chariot était guidé par le dieu Krishna. Mais précisément, en voyant arriver Alambusa sur le champ de bataille, Krishna l'omniscient mesura aussitôt le danger de son étrange pouvoir et, pour sauver la vie d'Arjuna, il demanda à ses deux jeunes frères, Nakula et Sahadéva, de passer nus devant elle. Or, les deux jumeaux étaient eux aussi d'une beauté rare et si émouvante qu'on devait souvent les couvrir d'un voile pour ne pas déclencher d'émeute féminine. Au moment donc où elle gonflait ses joues pour projeter un filet de son venin mortel sur Arjuna, Alambusa les aperçut, tressaillit et se sentit tellement bouleversée à cette vue qu'elle se détourna et cracha...sur l'armée Kaurava qui se trouvait juste derrière. Elle en décima une bonne partie. Duryodhana se le tint pour dit et jura de ne plus jamais mêler le coeur changeant des femmes aux affaires viriles de la guerre. Quant à la malheureuse Alambusa, elle retourna vivre dans les Himalaya pour se guérir de la vision fugitive, mais ô combien admirable, des jumeaux Pandava.
Que Shiva panse ses plaies,
Lui redonne la paix,
Et nous garde de tels excès.
JJ Fdida