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30 mars 2009
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15:08
Tu es mon frère et je t'aime. Pourquoi donc nous quereller?
Pourquoi viens-tu dans mon pays, essayer de me faire plier pour plaire à des chefs qui cherchent la gloire en parlant en ton nom et la réjouissance en usant de tes efforts? Pourquoi laisses-tu ta compagne et tes petits pour suivre la mort jusqu'à une terre lointaine pour des généraux qui ne brûlent que de s'approprier la grandeur au prix de ton sang et les honneurs au prix du chagrin de ta mère? Est-ce un honneur pour un homme que de tuer son frère? Si tel est le cas, élevons donc une statue au nom de Caïn et chantons l'éloge d'Anne*. 
Mon frère, l'égoïsme a suscité la rivalité aveugle, laquelle a engendré l'esprit de clan, lequel a mis en place le pouvoir. Celui-ci a appelé aux conflits et à l'asservissement. L'âme professe le pouvoir de la sagesse et de la justice sur l'ignorance et l'oppression. Mais elle renie ce pouvoir qui forge les épées et les sabres pour faire régner l'obscurantisme et les injustices. Ce pouvoir qui a démoli Babylone, qui a fait crouler les colonnes de Jérusalem et qui a sapé les édifices de Rome. Ce pouvoir qui a créé des sanguinaires et des meurtriers que les gens qualifient de grands hommes, dont les écrivains exaltent les noms et dont les livres ne dédaignent pas de conserver les batailles dans leurs ventres, de même que la terre n'a pas dédaigné de les porter sur son dos quand ils maculaient son visage de sang pur... Comme tu as été leurré, mon frère, par ce qui t'a séduit et comme tu es épris de ceux qui t'ont lésé! Le véritable pouvoir est la sagesse qui préserve la loi naturelle, universelle et juste. Car où est la justice du pouvoir, si celui-ci tue le meurtrier et emprisonne le voleur puis envahit un pays voisin et tue par milliers et pille à foison? Que diraient les adeptes de l'esprit clanique des meurtiers qui punissent le tueur et des brigands qui sanctionnent les actes du voleur?
On dit, mon frère, que l'instinct de conservation est la principale règle naturelle. Mais j'ai constaté que ceux qui sont avides de se distinguer et dont apprécier le sacrifice de soi à dessein de parvenir à s'emparer de tes frères par le cou. On dit également que l'instinct de vie exige de violer les droits d'autrui. Mais je te dis que la préservation des droits d'autrui est plus noble et plus sublime que tout acte humain. Je te dis aussi que si mon existence exige l'anéantissement d'autrui il est alors préférable que je meure, et si je ne trouve personne de noble, d'aimant et de pur pour me tuer, j'aurai alors du plaisir à m'offrir de mes propres mains à l'éternité avant que n'advienne l'éternité.
Mon frère, l'égoïsme a suscité la rivalité aveugle, laquelle a engendré l'esprit de clan, lequel a mis en place le pouvoir. Celui-ci a appelé aux conflits et à l'asservissement. L'âme professe le pouvoir de la sagesse et de la justice sur l'ignorance et l'oppression. Mais elle renie ce pouvoir qui forge les épées et les sabres pour faire régner l'obscurantisme et les injustices. Ce pouvoir qui a démoli Babylone, qui a fait crouler les colonnes de Jérusalem et qui a sapé les édifices de Rome. Ce pouvoir qui a créé des sanguinaires et des meurtriers que les gens qualifient de grands hommes, dont les écrivains exaltent les noms et dont les livres ne dédaignent pas de conserver les batailles dans leurs ventres, de même que la terre n'a pas dédaigné de les porter sur son dos quand ils maculaient son visage de sang pur... Comme tu as été leurré, mon frère, par ce qui t'a séduit et comme tu es épris de ceux qui t'ont lésé! Le véritable pouvoir est la sagesse qui préserve la loi naturelle, universelle et juste. Car où est la justice du pouvoir, si celui-ci tue le meurtrier et emprisonne le voleur puis envahit un pays voisin et tue par milliers et pille à foison? Que diraient les adeptes de l'esprit clanique des meurtiers qui punissent le tueur et des brigands qui sanctionnent les actes du voleur? Tu es mon frère et je t'aime. L'amour est la justice dans ses manifestations les plus sublimes. Si je ne suis pas juste dans mon amour pour toi, quelle que soit ta patrie, je ne serai qu'un imposteur qui dissimule la laideur de l'égoïsme par la parure éblouissante de l'amour.
* Ananias, ou ancore Anna, fut le grand prêtre du Sanhédrin jusqu'en l'an 15 de l'ère chrétienne. Sa tutelle officieuse semble avoir pesé sur tout le pontificat de son successeur Caïphe qui était aussi son gendre. Capturé par traîtrise au jardin de Bethsémani, Jésus fut traîné d'abord devant Anne.
Khalil Gibran
proposé par mamadomi
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