Nous devons apprendre
Désemparée Catherine regarde sa fille de 4ans en larmes. Pourtant, elle avait cru bien faire en terminant à sa place sa poterie avant que l'animateur ne passe à la tâche suivante. Maintenant, elle a envie de lui dire:
"Arrête donc de pleurnicher!"
Croyant entendre sa propre mère, Catherine se contrôle: ce genre de propos ne l'avait jamais aidée, elle, enfant, lorsqu'elle avait du chagrin. Elle comprend alors que c'est sa propre anxiété face au jugement de l'animateur qui la fait réagir de la sorte. Et gâcher leur plaisir à venir toutes les deux à cet atelier créatif, quand sa fille se réjouissait simplement de jouer avec la glaise sur les genoux de sa maman. Quel parent n'a pas eu à gérer la colère cataclysmique de son tout-petit au supermarché? (hep!...euh, moi!! aucun des cinq! c'est normal msieur?!!) A se rendre disponible à minuit pour calmer les pleurs inconsolables de son adolescente, partagée entra sa loyauté envers sa meilleure amie et les avances de son irrésistible petit ami? Situations impossibles, croyions-nous, pour lesquelles nous avons pourtant trouvé en nous des ressources insoupçonnées. En dépassant notre réaction initiale -impuissance ou exaspération-, nous en somme sortis grandis.
En matière d'apprentissage, la relation que nous entretenons avec nos enfants est impitoyable. Sans échappatoire.
Ils s'imposent totalement à nous. Ils ne se satisfont pas d'un coup de fil ou d'un e-mail/semaine. Il leur faut du face-à-face, et beaucoup. Il nous faut anticiper leurs besoins (par ex au supermarché, et expliquer ce qu'on va faire et ce qu'on fait de plus sympa après aussi, le cas échéant, installer le ptit dans le caddie pour qu'il participe, jouer avec les boites de conserves par ex...), il faut développer notre empathie, réorganiser nos emplois du temps (notre budget, nos vacances et notre maison aussi), accepter qu'ils nous remettent en cause, qu'ils nous testent...
Et c'est sans issue: nous "devons" apprendre!
Sous l'influence de nos enfants, c'est aussi notre cerveau de parent qui se développe différemment. On sait depuis quelques années que le cerveau adulte continue de créer des neurones. Or, + il est stimulé par des expériences nouvelles et par des émotions qui l'obligent au dépassement, + ces cellules se développent.
- Non seulement le rythme de croissance de nouveaux neurones est accéléré,
- mais des hormones particulières -comme l'ocytocine- viennent augmenter notre résistance au stress et notre capacité à former des liens affectifs.
- Les fonctions d'apprentissage seraient, elles aussi, améliorées.
Aux Etats-Unis, des chercheurs de l'université de Virginie ont montré que des rates, une fois devenues mamans, apprenaient plus vite et se rappelaient mieux leurs décisions. Ils ont conclu de cette étude que la stimulation des neurones par la maternité semble réorganiser le cerveau. Le docteur Merzenich, de l'université de San Franscisco, a parlé quant à lui du statut de parent comme d'"une révolution pour le cerveau". Une amie m'a confié qu'elle avait remarqué depuis longtemps qu'au travail ses collaborateurs "parents" étaient + "faciles" que les autres. Peut-être parce que leur cerveau et eux-mêmes avaient appris à mieux accepter les besoins des autres. Peut-être parce que la vie leur avait offert la meilleure des thérapies...
†David Servan-Schreiber, neuropsychiatre,
auteur de Guérir (Pocket, "évolution" 2005) et d'Anticancer (nouvelle éd° revue et augmentée, Robert Laffont, 2010), il a fondé et dirigé un centre de médecine intégrative à l'université de Pittsburgh, aux Etats-Unis.
proposé par mamadomi