Etiquettes autocollées...
Vous tremblez? C'est votre système nerveux qui s'emballe. Sensation d'oppression, accélération cardiaque, sueurs, bouche sèche et estomac serré: n'en concluez pas abusivement à un manque de confiance en vous. Ces réactions physiologiques sont celles du stress, votre organisme cherche à faire face de manière appropriée à la situation.
Vous perdez vos moyens, votre mémoire s'efface, vous avez les mots sur le bout de la langue mais n'arrivez pas à les retrouver, vos pensées se paralysent... Ce sont aussi des manifestations d'adaptation. Votre cerveau perçoit un danger ou interprète la situation comme nécessitant votre soumission, il vous empêche de vous exposer.
Le phénomène est automatique, réflexe et bien sûr inconscient. Il se déclenche parfois abusivement quand on a appris à ses dépens que s'exposer attirait des ennuis. Toute expérience malheureuse d'humiliation, de mauvais accueil de nos propos ou de dévalorisation est mémorisée et va concourir à l'interprétation des situations nouvelles. C'est ainsi qu'interdit de parole à table quand nous étions enfant, nous pouvons être stressé à l'idée de prendre la parole devant tout le monde lors d'un banquet. Quand ce déclenchement abusif est devenu habitude réflexe, quand les automatismes physiologiques de soumission sont si intégrés que nous les interprétons comme partie de notre personnalité, nous pouvons parler de manque de confiance en soi.
Le manque de confiance en soi n'est donc pas un "problème psychologique", même s'il en cause parfois. C'est une adaptation "biopsychologicosociale"[on lit calmement...] càd une adaptation physiologique à une situation sociale avec des conséquences psychologiques, en vue de maintenir la vie.
"Je manque de confiance en moi"
A chaque fois qu'il était amené à s'exposer en public, à parler devant un micro, Christophe éprouvait toutes sortes de sensations corporelles qui le terrifiaient: battements de coeur, chaleur dans la poitrine... Excellent animateur de radio, adorant son métier, il était démuni devant ce qu'il appelait "ses angoisses" et se dopait aux anxyolitiques.
Christophe avait en réalité une énergie débordante qu'il lui fallait apprendre à gérer, le trac des "grands"! Ses réactions physiologiques étaient peut-être un peu + intenses que la moyenne,
ses performances, ses capacités l'étaient aussi!!
Il les interprétait comme des manifestations d'une angoisse excessive, ce n'était que préparation à l'excellence. Le problème n'est parfois pas tant un manque de sécurité qu'un manque d'information sur les réactions du corps. Démuni devant ces sensations qu'il n'avait jamais appris ni à reconnaître et encore moins à utiliser, il paniquait. Convaincu que les autres n'étaient pas aux prises avec ces sensations, il se vivait comme différent, voire inférieur... ce qui entraînait un vrai manque de confiance en lui.
Pour Christophe, Taher ou Jeevan comme pour nombre de nos contemporains, être bien, être normal, signifierait ne rien éprouver à l'intérieur. Or, peurs, colères, tristesses, mais aussi désir, joie et amour sont associés à des manifestations physiologiques. Si nous ne savons pas les tolérer, la vie nous paraîtra bien fade.
Accélération cardiaque et dilation des veines pour permettre au sang d'acheminer + rapidement oxygène et sucre là où il y en a besoin, arrêt de la digestion pour concentrer l'énergie disponible dans le cerveau et les muscles périphériques, notre organisme se prépare à affronter la situation. Certes, il n'est pas toujours utile de déclencher un tel mouvement intérieur. Parfois notre cerveau surdimensionne l'adversaire et aller voir un psy est une bonne idée. Mais un certain nombre de nos réactions sont des réactions physiologiques naturelles et normales de notre organisme.
L'anxiété, la peur, le trac, le doute, l'inquiétude sont utiles, ils poussent à se dépasser, nous invitent à nous préparer à toutes les éventualités, à repérer les zones à risque dans un projet, ils nous ouvrent les yeux, nous alertent sur des détails susceptibles de nous faire échouer... Il est dommage d'étiqueter "manque de confiance en soi" l'afflux d'énergie qui nous permet de faire face à la situation, d'intégrer un max de données, de sentir "le sens du vent" et les réactions du public à nos paroles. C'est l'étiquette qui nous paralyse, non pas l'émotion.
De la même manière que toutes nos palpitations ne sont pas synonymes de manque de confiance en soi, tous nos échecs et difficultés sociales n'y sont pas forcément liés. Or, faute de comprendre les motivations de certaines de nos attitudes, de nos blocages et freins, nous utilisons un peu abusivement le terme de manque de confiance. Cela nous évite de nous poser d'autres questions, + embarrassantes, ou tout simplement + inconscientes.
Géraldine ou Aïcha, passe son permis de conduire pour la 6ème fois. Elle explique ses échecs par son manque de confiance en elle. En effet, dès qu'elle s'assied à côté de l'examinateur, elle stresse. Il est vrai que nombre de gens échouent, paralysés par l'idée du jugement de l'examinateur. Mais trembler le jour de l'examen, commettre des fautes impardonnables, peut avoir d'autres causes. En l'occurrence, pour Géraldine, nous avons mis au jour le souvenir d'un accident dramatique dans sa famille. Sans oser se l'avouer, Géraldine, était terrifiée à l'idée d'être la cause d'un accrochage. Elle n'avait jamais osé exprimer sa fureur à ses parents suite à l'accident qui l'avait privée de leur présence pendant de longs mois. Comment dire sa colère à des gens qui ont frôlé la mort! Oui, mais la petite fille qu'elle était alors aurait eu besoin de pouvoir exprimer sa fureur. Comme elle n'avait que 5ans, ils ne lui ont jamais non plus vraiment expliqué l'accident. Le problème d'Aïcha ou de Géraldine n'est vraiment pas de l'ordre de la confiance en elle. Des émotions de colère, de peur aussi, sont encore tapies en elle et sont à l'origine de ses échecs au permis. En revanche en n'identifiant pas les véritables causes de ses insuccès répétés, elle va effectivement perdre confiance en elle!
Ilan -ou Franz, a déjà passé son permis 2x. Lui aussi dit manquer de confiance en lui lorsque l'examinateur est à ses côtés. En réalité, quand nous explorons a vie, il évoque ses tendances suicidaires. La vérité lui saute aux yeux. Pour le protéger, son inconscient l'empêche d'obtenir son examen. Une partie de lui n'est pas certaine de ce qu'il ferait avec un volant dans les mains. Ce n'est qu'en décidant vraiment de vivre qu'Ilan a pu enfin s'autoriser à réussir son examen.
Carmen, elle, est dans une situation conflictuelle. Elle me confie:
"Dès que j'obtiens mon permis, je me sépare de mon mari."
Bien évidemment, elle le rate consciencieusement, session après session. Elle est en fait très ambivalente et encore bien trop dépendante de son mari pour oser prendre le risque de le quitter. Chaque insuccès tout à la fois la soulage en éloignant le départ et lui prouve qu'elle n'est pas à la hauteur, incapable de se débrouiller seule, et donc qu'elle a besoin de son mari, ce qui augmente encore sa dépendance. Ce n'est pas vraiment le regard de l'examinateur qui lui fait perdre ses moyens, mais l'enjeu: la séparation.
An Hào ou David ratera pour d'autres raisons. Il est furieux contre son père, chauffeur de son métier. N'osant pas exprimer sa colère, il le blesse en le décevant! Inconvénient: + il échoue, + il se dévalorise et confirme son père dans sa position dominante.
Les apparences du manque de confiance en soi peuvent masquer des motivations variées. Gare aux interprétations trop rapides... Nos échecs ont parfois un sens caché! Ecoutons cette signification et séparons les enjeux, cela nous évitera de saper inutilement notre confiance ne nous.
Isabelle Filliozat
proposé par mamadomi