Roland, 40 ans, a du mal à vivre. Il se sent déprimé, las de tout. Il a du mal à prendre des décisions, et même simplement à sortir de chez lui. Il rit peu, ne sait plus s'amuser. Il me parle de lui, du jugement permanent de son père, de la surprotection de sa mère... et de la mort de son frère. Patrick avait un an de + que lui. Il est décédé à l'âge de 19 ans. Sur le moment, il n'a pas pu intégrer ce décès. Comment peut-on mourir à dix-neuf ans? C'est impossible. Sa vie a continué sans qu'il réalise qu'une partie de lui était restée en arrière. Il n'a toujours pas accompli le travail de deuil. Un travail quasi impossible à faire parce qu'impliquant trop de remise en cause personnelle. Les parents les traitaient comme des jumeaux, ils se ressemblaient, portaient des vêtements identiques. Du jour où Patrick est mort, les rires ont été bannis des rencontres familiales. "Comment peux-tu rire alors que ton frère n'est plus là!" Roland a vite compris que toute joie, toute vie, lui était désormais interdite.
Comme Roland, de nombreuses personnes entreprennent une psychothérapie pour retrouver le goût de vivre. La joie est absente de leur quotidien.
Que peut-on faire pour qu'un enfant conserve son aptitude naturelle à la joie? Tout d'abord être attentif à Roland, puis construire sa propre vie de manière à être le + heureux possible soi-même, aimer et se réaliser.
Quand les enfants doivent prendre en charge les tristesses, les frustrations, les sentiments d'insatisfaction de leurs parents... ils ne sont pas libres d'être heureux.
Je rencontre trop d'enfants d'une douzaine d'années que la vie n'intéresse déjà plus. Leurs parents sont souvent absents, harassés de travail, stressés au quotidien. A quoi bon vivre quand il n'y a pas d'amour ou pas de joie autour ou pas de joie autour de soi?
La Coupe du monde de football de 1998 nous a fait redécouvrir la joie. Les sondages ont montré que le moral des Français s'était nettement amélioré dans les semaines qui ont suivi le match. Pourtant, même si la reprise économique semblait s'amorcer, il n'y avait pas eu grand changement dans le quotidien de la plupart des gens... si ce n'est leur manière d'aborder l'existence.
Il est de la responsabilité des parents d'être heureux, de transmettre ou tout au moins de ne pas altérer l'appétit de vie de l'enfant. Être heureux est un choix. Il ne s'agit pas de faire semblant, de sourire toute la journée en taisant les difficultés, mais d'affronter la réalité avec coeur. L'explosion de joie de la Coupe du monde n'est pas un hasard tombé sur la France. C'est le résultat d'un travail au quotidien de chaque joueur, du courage d'un entraîneur qui a poursuivi sa route malgré les critiques, de la détermination de tous.
Comment mettre toutes les chances de son côté pour "gagner" dans sa vie? Sûrement ne pas la perdre à la gagner, mais choisir un travail qui a du sens, écouter toujours la voie/voix de son coeur plutôt que celle d'une soi-disant raison qui est souvent déraisonnable.
Est-il raisonnable de reprendre l'affaire de papa alors qu'on aurait aimé faire tout autre chose et de mourir d'un infarctus à 45ans? Ou encore de souffrir atrocement du dos pendant de longues années parce qu'on continue à porter un poids qu'on ne veut pas déposer pour ne pas remettre en cause ses parents?
Tous les affects refoulés, les noeuds émotionnels et les blessures non guéries empêchent l'accès à la joie. Libérez les émotions, laissez parler les détresses, pleurez les larmes, criez les colères... et la joie renaîtra, tant elle est la nature profonde de l'humain. Il y a de la joie à simplement se sentir vivre.
La vie n'est pas un long fleuve tranquille, mais la joie ne surgit pas non plus de la tranquillité. S'il est vrai qu'elle nous pénètre volontiers alors que nous contemplons calmement un coucher de soleil, elle naît aussi de l'effort couronné du succès, de la rencontre après la séparation.
I. Filliozat
proposé par mamadomi
rééd°du 28 10 10