Le Sud est donc le siège des émotions, symbolisées par l'eau, dans la mesure où les différents aspects que cette dernière peut revêtir -la calme surface d'un lac, la violence orageuse d'un océan, la limpidité d'un ruisseau, la turbidité d'une flaque de boue, la dureté et l'immobilité de la glace, l'immatérielle fragilité de la vapeur d'eau -reflètent les diverses facettes de l'émotivité humaine.
Le Sud comprend les trois périodes suivantes:
- la période des Longues journées, dont le totem est le pivert, équivalent du signe solaire du Cancer;
- la période de la Maturation, dont le totem est le saumon, équivalent du signe solaire du Lion;
- la période de la Récolte, dont le totem est l'ours brun, équivalent du signe solaire de la Vierge.
La tradition
Les Indiens d'Amérique reprochaient à l'homme blanc, et plus généralement à l'homme moderne, la perte de cette innocence et de cette intensité de la vision de la nature.
Les propos de Scott Momaday sont à cet égard très éloquents:
Les Occidentaux en effet, n'apprécient pas le monde pour ce qu'il est (dans la plénitude de sa beauté) et tentent au contraire de l'exploiter à leur profit personnel,
économique s'entend.
Une telle vision de la vie est à mon avis fallacieuse. Pire encore: à moins d'en changer radicalement, nous finirons par détruire notre terre, j'en suis convaincu, et nous anéantirons même sa beauté en provoquant un dommage irrémédiable. Garder les paysages naturels intacts est une aspiration louable, quels que soient les motifs sur lesquels elle repose. Mieux vaudrait néanmoins conserver aussi leur beauté intacte.
J'estime que cet objectif est loin d'être atteint, y compris par les écologistes. Ou plus exactement, un tel désir n'est pas aussi répandu dans le monde qu'on pourrait l'espérer. Même les écologistes peuvent viser l'avantage et le profit personnels, si la terre ne pâtit pas de leur comportement.
La satisfaction économique ne représente cependant pas l'essence primordiale et fondamentale de la vie humaine.
Un chant papago énonce:
j'appelle le vent du Sud vers moi,
je dessine les nuages et la pluie
qui fait pousser les fleurs sur la terre,
notre demeure,
et qui les rend si belles.
Un chant traditionnel sioux invoque en revanche l'eau en ces termes:
le long des méandres étroits du torrent,
là où tu frappes le plus fort,
là où tu t'enroules le plus entre les mousses suintantes,
fais que chaque impureté qui nous entrave soit balayée.
D'après les Diegueños, le grand océan primordial d'eau salée recouvrait tout.
Au fond de l'océan vivaient deux frères, qui étaient obligés de toujours garder les yeux fermés à cause de l'eau salée qui les aurait rendus aveugles s'ils avaient tenté de les ouvrir.
Un jour le frère aîné, Chaipeckaust, sortit à la surface et regarda autour de lui, mais vit seulement une immense étendue d'eau. Le cadet essaya de le suivre mais, en remontant, il ouvrit les yeux et devint aveugle; une fois hors de l'eau, il ne vit donc que n'ant et obscurité, et il retourna alors au fond de l'océan, où il vit encore aujourd'hui.
Lassé par toute cette eau, Chaipeckaust décida de créer une multitude de fourmis rouges qui, avec leurs corps, donnèrent naissance à la terre.
Il prit ensuite trois différentes sortes d'argile (rouge, jaune et noire), modela une forme ronde et la lança en l'air avec une telle force qu'elle alla se coller à la voûte du ciel, où elle commença à briller d'une faible clarté. C'est ainsi que naquit la lune.
Estimant que la lumière de la lune était trop pâle, Chaipeckaust façonna une autre boule d'argile, qu'il lança en l'air avec encore plus de force, mais dans la direction opposée à celle de la lune. Elle aussi demeura fixée à la voûte céleste et commença à resplendir d'un éclat très intense. C'est ainsi que naquit le soleil.
Chaipeckaust regarda autour de lui et se sentit satisfait, car l'eau avait engendré la terre, dont étaient issus la nuit et le jour, et toutes les créatures vivantes pouvaient enfin croître et prospérer. Ce récit laisse deviner la signification que l'eau revêtait chez les Indiens d'Amérique. Les paroles du grand chaman contemporain Corbin Harney, qui clame la mort de l'eau polluée par l'homme blanc, retentissent alors avec davantage du puissance:
L'eau sera très importante. Tous les êtres vivants, y compris l'homme blanc, souffriront avec nous. Nous, les Peaux-Rouges, nous avons une chance de survivre, mais uniquement parce que nous sommes attachés à ce qu'il ya là, dehors; nous pouvons parler aux choses. Nous pouvons demander à l'eau de continuer à couler et d'être plus claire et plus pure pour nous. Le Créateur nous écoute quand nous nous adressons à Lui. Aujourd'hui, je vois que l'eau se raréfie considérablement à certains endroits et que la situation ne cesse d'empirer. Elle est contaminée. Il y a des lieux où elle renferme déjà des substances chimiques en si grande quantité que les gens ne peuvent plus l'utiliser. Et ils continuent d'y déverser des poisons. Quand je suis allé sur la côte, l'océan m'a semblé triste. L'eau dit: "J'ai besoin d'aide." L'eau parle, comme nous le faisons. Elle respire de l'air, tout comme nous. C'est difficile à croire mais c'est ainsi. Tout boit de l'eau, et tout est vivant.
S. Bedetti