Alessio Atzeni
L'évangile de Marie
commentaire
5 Ayant dit cela, Il partit.
6 Les disciples étaient dans la peine;
7 ils versèrent bien des larmes, disant:
8 "Comment se rendre chez les païens et annoncer
9 l'Evangile du royaume du Fils de l'Homme?
10 Ils ne l'ont pas épargné,
11 comment nous épargneraient-ils?"
page 9
La réaction des disciples au départ de l'Enseigneur montre que la Paix n'a pas été engendrée en eux, que Ses enseignements n'ont pas été intégrés, que le manque et la peur restent les composantes essentielles et malheureuses de leur nature.
Le "vieil homme" dont parle Paul de Tarse demeure en eux; les informations communiquées par Yeshoua n'ont pas encore fait leur oeuvre de transformation. Être dans la peine, verser des larmes au départ d'un ami, n'est-ce pas légitime, "tendrement humain"? certainement, et, jusqu'au moment de la mort, il est normal qu'un être psychique ait des réactions de cet ordre.
Ce ne sont pas ces réactions tout à fait saines et légitimes qui semblent être mises en cause, ici, par l'Evangile selon Marie, ce sont les motivations des disciples: la peur d'annoncer l'Evangile aux païens et d'être persécutés comme Lui, leur Enseigneur, a été persécuté. C'est de cette peur que Yeshoua eût aimé les délivrer, car il fut dit:
"en marche les persécutés pour la justice" (Mt 5).
Ces persécutions, dans l'optique "pneumatique" ou spirituelle à laquelle Yeshoua a voulu les inviter, sont une occasion de grandir en conscience et en amour, et c'est cette opportunité qui semble échapper aux disciples et qui n'échappe pas à celle qu'ils auront tendance à considérer comme une "faible femme": Myriam de Magdala, qui à l'heure de l'adversité s'est déjà révélée + "forte" qu'eux, fidèle "jusqu'au bout" et capable d'endurer, non pas sans souffrir, mais néanmoins sans désespérer, la cruxifixion de leur Maître et Ami.
"Il y avait là de nombreuses femmes qui regardaient à distance, celles-là mêmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et le servaient, entre autres Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée" (Mt 27,55).
Les hommes sont-ils moins courageux que les femmes? Ont-ils moins peur de mourir et craignent-ils davantage de souffrir? Ce n'est sans doute pas aussi simple...
On peut néanmoins noter que, au pied de la croix comme au chevet des grands malades et à la naissance des enfants, hommes et pères sont souvent absents; ce n'est sans doute pas à cause de cette lâcheté dont parfois on les accuse, mais de la difficulté, pour l'esprit masculin (chez les 2 sexes), d'assister à une souffrance devant laquelle on est impuissant, où il ne s'agit ni de faire ni de combattre, car il n'y a rien à faire... Si on pouvait encore "faire" quelque chose, prendre une arme, soulever un siège, actionner un tuyau... l'esprit masculin saurait se montrer utile et efficace.
L'esprit féminin (de nouveau chez les 2 sexes) est sans doute davantage capable d'endurer cette impuissance et cette inutilité devant certaines souffrances, mais être là, être témoin, dans la compassion ou la patience, relève d'une autre efficacité et d'une autre utilité, plus proche certainement du monde "pneumatique" dont Yeshoua Lui-même a été le Témoin.
D'autre part, pour Pierre, Jacques, Jean et les autres disciples, se rendre chez les païens, c'est se rendre chez les "goïms", les hérétiques, les impurs; et, pour tout juif pieux et fidèle, il y a là non seulement quelque chose de répugnant -faire alliance avec l'impureté-, mais il y a aussi renoncement au statut d'élu.
L'Enseigneur leur a révélé que la "filiation divine" n'était pas le privilège d'un peuple particulier, mais celui de tous ceux qui osent ouvrir leur intelligence et leur coeur aux informations du Vivant.
à suivre...
Evangile copte du IIè s.
(Maria Magdalena) traduit et commenté
par J.-Y. Leloup
Alessio Atzeni
proposé par mamadomi