Au fil du temps, selon leur degré d'évolution, les peuples ont plus ou moins "progressé" dans cette connaissance d'eux-mêmes et de leur environnement. Des générations se sont succédé qui n'ont pas compris grand chose et se sont contentées de vivre au rythme des astres; d'autres, se montrant plus intuitives et plus créatives, ont fait reculer peu à peu les limites de l'animalité première.
De ce point de vue, la civilisation chinoise a fait preuve au cours des âges d'une extraordinaire lucidité, démontrant à maintes reprises combien ses érudits et ses penseurs avaient en bien des domaines un don réel pour l'analyse et la vision de synthèse. Ces étonnantes capacités allaient fournir au onde quelques inventions parmi les plus déterminantes pour l'avenir des hommes, mais c'est sans conteste au niveau de l'esprit, de la réflexion la plus épurée, que la Chine a véritablement fait oeuvre d'humanité au sens le plus large du terme.
Cette acuité particulière pour saisir les fondements de la vie en toute chose et en comprendre le sens immuable, s'affirmant au gré des millénaires en de multiples jaillissements, est finalement parvenue à exprimer sa force et sa richesse, à cristalliser ses aspirations fondamentales dans un courant spirituel original que les anciens maîtres chinois nommèrent "taoïsme".
Ni une recherche intellectuelle classique, ni une simple démarche spéculative, et pas davantage une religion unifiée au sens traditionnel, le taoïsme est apparu très tôt comme le regroupement d'enseignements divers et convergents, provenant de révélations éparses et successives qui dévoilaient les multiples facettes d'une perception originale de l'univers.
Sans entrer dans le détail, il faut néanmoins savoir qu'en chinois ancien, Tao évoque la voie, la méthode, et par extension la règle de vie. On l'assimile très tôt à la vérité ultime, source de toute existence, présente en toute chose, le taoïsme devenant dès lors l'"école du Tao".
Ainsi, le Tao ne se dit pas, il se vit. Le Tao ne se définit pas, ils se vit. Le Tao ne s'enseigne pas, il se vit.
En vérité, ce n'est qu'au travers des divers courants spirituels qui l'intègrent à la vie de tous les jours dans la Chine ancienne que l'on peut véritablement en cerner les contours, et de la sorte approcher ce "souffle originel", cette "respiration du monde" que l'on appelle Qi.
Dans un texte rédigé en 756 de notre ère, le taoïste WuYan cerne avec une grande pureté le rôle initial de ce souffle primordial ayant présidé à la création du monde et à tout ce qui le compose:
Avant le Grand Vide, quiétude et silence, qu'y a-t-il?
L'essence suprême reçut une impulsion et s'écoula comme un flux, et l'Un véritable naquit.
L'Un véritable mut son esprit, et le Souffle primordial est l'existence dans la non-existence.
La non-existence dans l'existence.
Vaste, sans mesure, subtil à ne pas pouvoir être discerné;
Germant et se mouvant peu à peu, il apparut;
Confus et indistinct, sans compagnon,
Les principes des dix mille images y firent leur apparition.
Alors, le souffle pur, pénétrant et clair, s'éleva et forma le ciel;
Le souffle opaque et ténébreux s'amassa et forma la terre;
Le souffle hétéroclite, dur et rebelle se dispersa et forma les diverses espèces.
Telle est aujourd'hui encore, dans les communautés taoïstes, la définition qui prévaut quant à l'origine de la vie.
Les origines de ce mouvement spirituel, en quelques siècles, allaient véritablement donner un autre sens à la notion de "spiritualité".
rééd° du 28 10 08