Au temps de Jésus, de nombreux juifs, comme les Sadducéens, ne croient toujours pas en une deuxième vie: "Les Sadducéens disent qu'il n'y a pas de résurrection" (Matthieu 22,23). Mais les pharisiens y croient et Jésus, avant de ressusciter le troisième jour, promet le paradis au "bon larron" sur la croix (Luc 23,43).
Dès lors, se développe une concurrence entre le paradis, lieu de bonheur provisoire pour les âmes des justes, et la résurrection de la chair, état définitif des bienheureux après la fin du monde et le Jugement dernier. Tant que celui-ci était perçu comme imminent, la distinction était secondaire. Mais à mesure que l'apocalypse se faisait attendre, le paradis prenait une importance croissante dans la foi populaire et la résurrection des "corps glorieux" "où il n'y aura plus ni femme ni homme) devenait une espérance lointaine pour les vivants et les morts, une mystérieuse fin des temps inaugurant l'hypothétique règne du Messie. Car si le Credo proclame: "Je crois en la résurrection de la chair", les croyants ont du mal à imaginer ensemble les cent milliards d'humains engendrés depuis deux mille ans: selon plusieurs sondages, un catholique français sur deux ne croit pas à la résurrection des morts.
Les juifs ont connu le même affaiblissement de la foi en la résurrection. Alors que celle-ci avait rallié la totalité des rabbins, après la destruction du Temple (les malheurs présents accroissent les espérances) et à l'époque talmudique (Vè siècle après J.-C.), elle tient aujourd'hui une place plus modeste dans les croyances des fidèles, d'autant que la renaissance de l'état d'Israël peut être considérée comme la véritable résurrection juive. Le judaïsme rformé n'enseigne donc plus la doctrine de la résurrection corporelle ni celle de la damnation éternelle (le feu de la Géhenne). Le paradis devint un "non-lieu" (une utopie) et la résurrection une réalité présente pour le mouvement sioniste selon lequel "le judaïsme est l'âme dont Israël est le corps".
Le Coran enseigne une résurrection plus personnelle où chacun "viendra seul à Lui au jour de la résurrection" (19,95). Celle-ci est une certitude d'ordre spirituel car "Allah prend les âmes des êtres humains au moment de leur mort" (39,43) et ils ne peuvent être ramenés à une vie physique sur cette terre. Pour les justes, la résurrection sera un "jardin d'éternité" (19, 61), le paradis des âmes dont la description est très charnelle avec chastes vierges et beaux jeunes gens, bracelets d'or et robes de soie, bananiers et jujubiers. En opérant la synthèse entre paradis et résurrection, le Coran associe lieu idéal et temps parfait dans l'éternelle jeunesse des vertes années. Les croyants y trouveront "de la chair d'oiseaux à satiété et des belles jeunes filles aux yeux grands et beaux" (56,21 et 22). Il y aura aussi du miel et donc des abeilles: le paradis musulman accueille les animaux.