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L'économiste Jean Tirole vient de se voir attribuer le prix Nobel pour son "analyse de la puissance du marché et de la régulation".
- j'ai beaucoup aimé la présentation qui en a été faite:
Jean Tirole sera donc, après Maurice Allais, un prix Nobel d'économie français dont il faut souligner qu'il a effectué ses recherches tant en France qu'aux États-Unis, en particulier au célèbre M.I.T. Notamment ancien élève de l'école Polytechnique.
Un économiste qui cherche à "favoriser les études à caractère quantitatif qui tendent à rapprocher le point de vue théorique du point de vue empirique dans l’exploration des problèmes économiques".
Il convient de recommander la lecture du livre de Bernard Walliser: "Comment raisonnent les économistes? Les fonctions des modèles" (paru en 2011), qui permet d'aborder + efficacement la prise de connaissance des œuvres de Jean Tirole.
Lire aussi >> Un homme, une oeuvre et un appel
Citons v Walliser: "Un phénomène social peut donner naissance à des explications multiples, généralement incompatibles entre elles. (...) 2 types d'explication peuvent être proposés selon qu'on s'intéresse à un phénomène générique ou spécifique.
Une explication nomologique (ou nomothétique) s'intéresse aux principes généraux qui rendent compte d'une classe de phénomènes qui diffèrent quant aux conditions particulières. Il s'agit d'expliquer pour quelles raisons générales telle ou telle classe de phénomènes est susceptible de se produire.
Une explication idiographique (ou idiothétique) s'intéresse aux conditions particulières qui rendent compte d'un phénomène spécifique, compte tenu de principes donnés. Il s'agit alors de comprendre les raisons particulières pour lesquelles tel phénomène se produit dans un contexte donné".
À l'heure présente, c'est ce type d'approche et de fonction syllogistique qui peuvent contribuer à éclairer le risque d'occurrence de la déflation en zone €, voire en Europe. Jean Tirole n'est toutefois pas qu'un érudit isolé, il est un acteur engagé: ainsi a-t-il proposé en 2003 aux côtés d'Olivier Blanchard (Chief economist du FMI) une taxe qui viserait les licenciements et aboutirait à graduer les cotisations des entreprises à l'assurance-chômage selon leur taux de licenciement. Ainsi, il est fondamental de mesurer que Jean Tirole est tout à la fois un économètre, mais aussi un homme d'économie politique ouvert vers d'autres disciplines qui permettent un cumul de savoirs, afin de tenter de mieux cerner les grands défis sociétaux.
À ce titre, on ne peut qu'être hautement admiratif face à un prix qui lui a été décerné en 2010: le prix Claude Lévi-Strauss qui consacre la qualité de travaux en sciences sociales. Économétrie et sciences sociales sont délicates à faire converger: Jean Tirole a su maîtriser + d'un obstacle méthodologique. Enfin, Jean Tirole est aussi un économiste connu pour ces recherches sur la régulation. Autrement dit, ses travaux ont aussi porté sur les conditions acceptables d'encadrement voire d'endiguement des forces du marché. À ce stade, il faut rappeler un point souvent méconnu: notre pays a su faire prospérer un courant de pensée, nommé "théorie de la Régulation", conceptualisé par Robert Boyer, Jacques Mistral et Michel Aglietta.
Pour ses créateurs, il existe une architecture donnée, à un instant t, des formes institutionnelles: par ex du rapport du salariat ou des relations sociales et de l'État. Cette idée de contextualiser l'économie dans un rapport à l'Histoire n'est pas partagée par la communauté des économistes. Beaucoup croient y voir un retour du déterminisme marxiste et du fameux sens de l'histoire. Pour Jean Tirole, ses travaux sont clairs: dans le cas de l'économie industrielle, il y a datation de certains processus.
Pour terminer, le prix Nobel de ce jour est aussi un auteur prolifique quant à la crise et quant à la régulation des banques. Dès 1997, 10ans avant les subprimes, Bengt Holmström ^ et Jean Tirole ont démontré l'urgence d'imposer aux banques un montant de fonds propres en proportion avec le volume de leurs actifs risqués. À rapprocher des travaux de la commission Lamfallussy et de la supervision bancaire en cours de déploiement en Europe suite au rapport du gouverneur Liikanen.
Pour mieux comprendre: Banques et rapport Liikanen, passion ou raison?
- L'auteur du billet de rajouter, comme gage de crédibilité:
[Ouvert à l'évolution des actifs (essor des immatériels et rapport sur la propriété intellectuelle co-émis avec Bernard Caillaud et Claude Henri) donc aux destins de groupes comme LVMH ou L'Oréal], ouvert aux sciences économiques transversales tout autant qu'au carrefour économétrique contemporain, ouvert au fait social, Jean Tirole est donc un économiste de véritable envergure qui mérite nos sincères félicitations collectives.
Henri Poincaré a écrit (in "La science et l'hypothèse"):
"Une accumulation de faits n'est pas + une science qu'un tas de pierres n'est une maison".
Dans l'œuvre et la vie de Tirole, les faits sont accumulés et soumis à un tel ordonnancement qu'il est bien question de science et de remarquable contribution à la maison commune.
source
proposé par mamadomi
rééd° du 14 10 2014, art. cap nouveaux horizons n°300