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1 juin 2009 1 01 /06 /juin /2009 09:27

Supérieur

Maman, votre bébé est absurde! Ses enfantillages sont ridicules!

Elle ne sait pas voir de différence entre les lumières de la rue et les étoiles.

Quand nous jouons à manger des cailloux, elle croit qu'ils sont bons à croquer et elle essaie de les mettre à la bouche.

Quand j'ouvre un livre devant elle et lui demande d'apprendre son a b c, elle déchire les feuillets, elle éclate de rire pour des riens. Voilà comme votre bébé apprend ses leçons!

Quand je secoue la tête avec colère et la gronde en l'appelant méchante, cela ne fait que l'amuser et elle se met à rire.

Tout le monde sait que Père est absent, mais si en jouant j'appelle: "Papa! Papa!" elle jette de tous côtés des regarda étonnés et s'imagine que Père est tout près.

Si je fais l'école aux ânes de notre blanchisseur (lorsqu'il vient chercher la lessive), j'ai beau lui expliquer que je suis le maître d'école, elle continue à m'appeler dada et se met à hurler sans raison. ganesh - inde

Votre bébé voudrait attraper la lune! Elle est si drôle!

Elle appelle Ganesh, Ganush.

Maman, votre bébé est absurde, ses enfantillages sont ridicules!

Rabindranath Tagore, La Jeune Lune

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31 mai 2009 7 31 /05 /mai /2009 15:00

Pour ma défense

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Les mots sont des fenêtres
(ou bien ils sont des murs)

Je me sens si condamnée par tes mots

Je me sens tellement jugée et repoussée,

Avant de partir, j'aimerais savoir,

Est-ce cela que tu voulais dire?

Avant que je ne me lève pour ma défense,

Avant que je ne parle poussée par ma souffrance
ou par la peur

Avant que je ne construise un mur de mots,

Dis-moi, ai-je bien entendu?

Les mots sont des fenêtres, ou bien ils sont des murs.

Ils nous condamnent ou nous libèrent.

Lorsque je parle et lorsque j'écoute,

Puisse la lumière de l'amour rayonner à travers moi.

Il y a des choses que j'ai besoin de dire,

Des choses qui signifient tant pour moi,

Si mes mots ne rendent pas mon message limpide,

M'aideras-tu à me sentir libre.

Si j'ai paru te rabaisser,

Si tu m'as crue indifférente,

Essaie d'écouter par-delà mes mots

Les sentiments que nous partageons.

Ruth Bebermeyer

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28 mai 2009 4 28 /05 /mai /2009 15:33

Obligation d'aimer autrement

Dans un milieu stable, quand rien ne change, quand le stéréotype raconte qu'"un gosse de l'Assistance ne peut devenir qu'un garçon de ferme brutal et sale", l'enfant ne peut pas changer. Il est difficile d'acquérir

un autre style relationnel quand tout est fixe dans la société et dans le regard des hommes.
Qu'on le veuille ou non, l'adolescence crée un moment propice aux changements affectifs. L'effet hormonal provoque une reprise de développement du système nerveux, donc une nouvelle possibilité d'apprentissages biologiques. L'empêchement de l'inceste

oblige le jeune à quitter ses parents pour tenter l'aventure de nouveaux liens et ne pas éprouver d'angoisses incestuelles. Cette reprise évolutive est une prise de risque qui, comme tout changement, peut être source de progrès ou d'échec. C'est le moment des épanouissements mais c'est aussi la période du cycle de vie où l'on note un grand nombre de bouffées anxieuses.

Pour comprendre comment se gouverne cette nouvelle période sensible, on peut se rappeler que les enfants qui éprouvent le plus grand plaisir à penser et à explorer le monde extérieur sont ceux qui ont acquis un attachement sécure. Les ados réveillent cette aptitude précocement apprise pour se dégager harmonieusement de leur famille d'origine et tenter l'aventure d'un nouveau lien d'alliance.
Si l'on considère une population de 100 adolescents, on constate que 70 d'entre eux avaient manifesté au cours de leur enfance un lien serein. Pourtant, 15 chuteront dans ce virage de l'existence et deviendront inhibés et anxieux. Paradoxalement, c'est leur milieu qui, trop sécurisant, a masqué l'anxiété naissante et empêché l'affrontement du problème. La pléthore affective abîme un développement aussi sûrement que la carence.

A l'inverse, quand on suit régulièrement les 34 adolescents qui ont connu un attachement insécure au cours de leur enfance (évitant, ambivalent ou confus), on constate avec surprise que 10 d'entre eux sont devenus sécures à ce moment-là. Les jeunes gens métamorphosés ont tissé avec une amie ou un compagnon intime la base de sécurité affective que n'avaient pu leur donner leurs parents.
La moitié de ces jeunes gens mal partis ont expliqué leur transformation par le hasard des rencontres, tandis que l'autre moitié attribuaient leur épanouissement à leur propre avidité pour de t

elles rencontres. On peut expliquer cette apparente opposition en disant que le flux hormonal modifie le monde intime des jeunes pubères et les rend hypersentsibles à des informations qu'ils percevaient auparavant de manière engourdie. La sécrétion intense de testostérone chez les garçons les rend soudain impatients, poussés à l'action et réagissant vivement aux frustrations. Alors que la sécrétion plus douce, mais variable, des oestrogènes chez les filles les rend parfois explosives verbalement ou au contraire très tendres.

Or toute période sensible invite à faire le bilan de ses capacités afin de mieux affronter la nouvelle épreuve. Le jeune se retourne sur son passé, se raconte sa propre histoire ou en rend compte à un tribunal imaginaire afin de mieux comprendre qui il est, et comment il peut s'engager dans la vie. Ce travail donne accès à la pensée formelle, une logique déductive qui, en associant des données éparses rend le monde cohérent. L'adolescent devient, à ce moment-là, avide de rencontres extérieures à sa famille. Selon ce que son quartier et la société disposent autour de lui, il aura plus de probabilités de rencontrer des amis délinquants ou au contraire socialisants. Mais ces occasions ne sont pas passives puisqu'un jeune va chercher dans son milieu les hommes et les événements auxquels il aspire.
Enfin, sur les 100 enfants suivis jusqu'à l'adolescence, 5 mal partis, contamment en détresse, s'effondrent à cette période, submergés par l'excès de problèmes à traiter.
Ce qui revient à dire qu'en observant 100 enfants au départ, sur 70 sécurisés, 50 seulement franchiront une adolescence heureuse. Sur 34 enfants difficilement partis, 10 les rejoindront dans le bonheur. En revanche, 16 bien partis rejoindront 24 mal partis et connaîtront une adolescence critique. Ce qui n'empêche qu'après quelques années pénibles, la puissance évolutive est telle que 30 de ces jeunes gens en difficulté se stabiliseront et reprendront un style d'existence plus facile et agréable, bénéficiant ainsi d'une sorte de résilience naturelle. Mais 10 d'entre eux connaîtront de graves difficultés mentales et sociales. C'est à cette minorité qu'on attribue abusivement l'image de l'adolescence en Occident.
Dix tragédies, 30 périodes critiques, 60 adolescences heureuses, cette jeunesse

est loin de correspondre au stéréotype culturel qui souligne les crises et la période dangereuse. Ce cliché, en parlant d'une vérité partielle, entraîne une généralisation abusive. Mais 10% d'un peuple adolescent de 14 millions d'enfants,

ça fait tout de même 1,4 million de jeunes en détresse.
Puisque l'adolescence constitue normalement une période de remaniement affectif où chaque jeune met en jeu ce qu'il a appris dans son passé pour s'engager dans l'avenir, le processus de résilience connaît, à ce moment-là, une période propice dont les traumatisés peuvent profiter pour reprendre une aventure existentielle constructive.

Le style affectif acquis et le sens donné à la blessure constituent alors le capital mental avec lequel le jeune se représente son engagement futur et y répond. Il se trouve que les adolescents sécures ont beaucoup plus d'amis et un premier rapport sexuel plus tardif (17,5ans), avec un nombre

moins élevé de partenaires (2 ou 3). Les autres adolescents, ceux qui ont peur d'exprimer leurs émotions (les évitants), ceux qui, par angoisse, agressent ceux qu'ils aiment (les ambivalents), ceux qui ne se sentent bien qu'en emprisonnant l'objet de leur amour (les attachements angoissés), ceux qui sont toujours en détresse (les confus), ces adolescents-là ont peu d'amis à cause de leurs relations difficiles. Ils se jettent dans une sexualité mal maîtrisée espérant y trouver la relation qui leur manque. C'est dans cette population qu'on trouve les prises de risques inconsidérées chez les garçons, les grossesses précoces chez les filles, les maladies sexuelles, les nombreux partenaires (7 entre 12 et 18 ans), la recherche d'événements traumatisants qui les aide à s'identifier

et la mise en scène du théâtre de la drogue qui leur donne enfin un rôle mais qui ajoute presque toujours une blessure supplémentaire aux déchirures de l'enfance; C'est parmi les évitants qui verrouillent leur orage intime derrière le masque de l'inhibition qu'on trouve le plus souvent les rapports sexuels tardifs à l'occasion d'un passage à l'acte explosif et inattendu. Mais c'est aussi dans le groupe des attachements difficiles qu'on trouve le plus grand nombre de changements affectifs qui mettent sur ses rails un processus de résilience.

Boris Cyrulnik

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25 mai 2009 1 25 /05 /mai /2009 22:01

A chacun sa chacune

Il y a longtemps, très longtemps,
Dans le temps d'avant le temps,
Avant même que les pierres ne s'en souviennent,
Et que l'ombre de l'idée du souvenir me vienne...
Tout commençait sur les terres africaines!

Oui, en ce fameux temps-là,

là-bas comme ici,

ici comme là-bas,

l'Eternel était dans son Paradis céleste, occupé à modeler les premiers hommes. Et, en plus il en faisait, plus il voyait que sa Création allait en s'améliorant! Enfin, quand il en a eu assez, il a rassemblé ses bonhommes -nos ancêtres- et a aussitôt constaté qu'il y en avait de toutes sortes; des bien, de très bien, et de beaucoup moins bien...

Mais -là-bas comme ici, ici comme là-bas-

l'Eternel a voulu laisser une chance à chacun. Il leur a donc désigné la Terre en disant:

- Allez les enfants, le monde vous attend! Marchez tout droit, mettez la route sous vos pas. Vous verrez, j'ai créé là-bas de belles terres, de belles étendues d'eau! Partez avec ma bénédiction et bâtissez-vous une vie heureuse!

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les hommes se mettent en route. Mais tandis que les plus réussis se hâtaient de rejoindre la Terre pour se mettre au travail, les autres commençaient déjà à discuter l'affaire:

- Comment? C'est quoi ce chemin? C'est fatiguant! Et pourquoi tant marcher? Allez, inutile de se casser la tête, on trouvera bien là-bas un endroit pour se mettre...

Et, tandis que les hommes vaillants étaient déjà arrivés sur Terre et s'étaient bâtis de jolies bicoques avec de belles allées tracées, les mauvais, eux, étaient encore sur la route à traîner et à palabrer... Or, pendant ce temps, l'Eternel s'est dit

-ici comme là-bas, là-bas comme ici:

- Il n'est pas bon que l'homme soit seul.
Je vais lui faire une compagne à son image.

Le voilà qui se remet à sa table de modelage! Seulement, comme cette fois il avait la main plus sûre, il s'est autorisé quelques fioritures. Néanmoins, quand il en a eu assez, il a encore observé qu'il avait créé toutes sortes de femmes; des bien, de très bien, et de beaucoup moins bien... Puis, à elles aussi, il a dit en désignant la Terre:

- Allez petites, marchez bien vite! Que le monde vous profite! Vous trouverez là-bas de beaux compagnons, partez avec ma bénédiction et vivez une vie heureuse!

Même jeu: les femmes se mettent en route et, tandis que certaines commençaient déjà à râler et à freiner des quatre membres, les plus réussies, elles, taillaient la route!
bientôt, elles ont même rejoint quelques hommes sur le chemin; les plus traînards, les plus piaillards, la lie de l'humanité!

On aurait eu envie de leur crier: Patience!

Hélas, c'étaient les premiers hommes qu'elles voyaient et elles les ont trouvés plutôt à leur goût. Ainsi, les meilleures d'entre elles se sont acoquinées avec les pires d'entre eux, et les hommes valeureux qui patientaient sagement sur la Terre, ont récupéré au fur et à mesure les dernières des dernières. Evidemment, l'ordre des chaumières a rapidement tourné au tohu-bohu, ce n'était plus que remue-ménage, bruyant tapage... une immense clameur est montée jusqu'au ciel; hommes et femmes se plaignaient à l'Eternel. Lui, un peu bousculé par tous ces retournements, s'est penché de son nuage et a répondu mot pour mot:

- Femmes vaillantes, acceptez de bon coeur les hommes de moindre valeur. Et vous, hommes distingués, souffrez à vos côtés les femmes inachevées. Oui, réfléchissez! Si l'on mettait toutes les valeurs d'un côté et les non-valeurs de l'autre, le monde s'en irait tout de guingois comme les charges mal réparties sur le dos d'un âne. Accouplés tels que vous êtes, les hommes valeureux empêcheront les femmes indolentes de tomber dans la misère, et les femmes dignes et sages serviront de refuge aux hommes imparfaits? Il en est et en sera ainsi jusqu'à la fin de l'humanité! aimez-vous les uns les autres, et sachez que parmi toutes les choses il en est une que je chéris, moi votre Dieu, et que sans cesse vous

devrez rechercher: et c'est l'entente parfaite entre épouse et mari. J'ai dit!

Sur ces mots immuables, il a claqué les portes du ciel et nous a laissés à nos amours, nos fredaines, nos recherches de l'âme soeur... Et depuis, dit-on, ainsi va le monde, tant il est vrai que chacune de nos histoires d'amour nous pousse toujours un tant soit peu à tenter de devenir meilleurs.

Bagatelles, tocades, fleurettes ou fariboles,
Que vos oreilles se rapprochent de mes lèvres
Et vos coeurs de mes paroles.

J.-J. Fdida

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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 14:04

Le vent s'est tu...

       La nuit est noire, et ton sommeil profond dans le silence de mon âme.
          Eveille-toi, ô Douleur d'Amour, car je ne sais comment ouvrir la porte, et je me tiens dehors.

          Les heures se recueillent, les étoiles veillent, le vent s'est tu, et le silence est lourd dans mon âme.
       Eveille-toi, Amour, éveille-toi! Remplis ma coupe vide, et d'une note de ton chant, viens troubler la nuit.

Rabindranath Tagore, la corbeille de fruit

Alain Moreau, Au clair de lune

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17 mai 2009 7 17 /05 /mai /2009 22:01

Les sirènes

Dans les profondeurs de la mer qui entoure les îles proches de là où le soleil se lève, là-bas, dans les abysses qui abondent en perles, gît la dépouille d'un jeune homme auprès de laquelle sont assises des sirènes aux cheveux dorés flottant entre les coraux. Elles regardent la dépouille avec des yeux d'un bleu merveilleux et se parlent avec des voix harmonieuses. Leurs entretiens ont été entendus par la haute mer, les vagues les ont portés jusqu'au rivage et la brise me les a fait parvenir.
L'une des sirènes a dit: "Cet humain est tombé hier quand la mer était déchaînée."

La deuxième sirène a dit: "Non, la mer n'était pas déchaînée. Toutefois les hommes -qui prétendent descendre de la lignée des dieux -se sont livrés à une terrible guerre durant laquelle le sang a coulé si bien que la couleur de l'eau en est devenue écarlate. Cet humain est une victime de cette guerre."
La troisième a dit: "J'ignore ce qu'est la guerre. Mais je sais que l'homme, après avoir vaincu

la terre, a convoité la mer. Aussi a-t-il inventé d'étranges machines pour fendre les flots. Lorsque Neptune, le dieu de la mer, en a été informé, il s'en est irrité. L'homme n'avait alors d'autre issue que de plaire à notre roi par des sacrifices et des offrandes. La dépouille que nous avons vue tomber hier est le dernier présent que l'homme a apporté à Neptune le magnifique."
La quatrième a dit: "Combien magnifique est Neptune, mais combien cruel est son coeur! Si

j'avais été la sultane des mers, je n'aurais pas accepté les sacrifices sanglants.Voyons si la dépouille de ce jeune homme peut nous apprendre quelque chose sur l'espèce humaine."
Les sirènes se sont alors approchées du cadavre, ont fouillé dans ses vêtements et ont trouvé une lettre dans une poche près de son coeur. L'une d'elles a pris la lettre et l'a lue:

Mon bien-aimé,
Il est minuit et je ne puis fermer l'oeil. Je ne trouve de soulagement que dans les larmes et de consolation que dans l'espoir que tu me reviendras d'entre les griffes de la guerre. Je ne cesse de penser à ce que tu m'as dit au moment de partir: "Toute personne est dépositaire de larmes qu'il lui faudra un jour ou l'autre restituer..."
Je ne sais quoi écrire, mon amour, je laisse plutôt mon âme s'écouler sur le papier. Un âme torturée par la détresse et réconfortée par l'amour, celui-là même qui transforme la souffrance en plaisir et la tristesse en joie... Lorsque l'amour a uni nos coeurs et que nous avons commencé à sentir la fusion de deux corps parcourus par une seule âme, la guerre t'a appelé. Poussé par le devoir et le patriotisme, tu l'as suivie. Quel est donc ce devoir qui sépare les amoureux et rend les femmes veuves et les enfants orphelins? Quel est ce patriotisme qui, pour des raisons insignifiantes, appelle à la guerre pour détruire des pays? Quel est ce devoir imposé au malheureux paysan et négligé par les gens influents et les fils de la noblesse héréditaire? Si le devoir est de bannir la paix d'entre les nations et que le patriotisme est de troubler la quiétude dans la vie des hommes, alors on peut dire adieu au devoir et au patriotisme... Non, non, mon bien-aimé, ne prête pas attention à ce que je viens de te dire. Sois plutôt plein de courage et de passion à l'égard de ta patrie. N'écoute pas les paroles d'une jeune fille à qui l'amour a fait perdre la vue et chez qui la séparation a troublé le discernement... Si l'amour lui-même ne te ramène pas à moi en cette vie, l'amour m'unira à toi dans la vie future.

Après avoir remis la lettre à sa place, les sirènes se sont mises à nager avec une sérénité funèbre. Puis l'une d'entre elles a dit: "Le coeur de l'homme est bien plus cruel que le coeur de Neptune."

Khalil Gibran

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14 mai 2009 4 14 /05 /mai /2009 17:11

Sur la berge

Sur la berge de cette rivière, à l'ombre des noyers et des saules, le fils d'un cultivateur s'était assis, contemplant les eaux qui coulaient, sereines et tranquilles. C'était un jeune homme qui avait grandi au coeur des champs où tout parle d'amour, où les branches s'enlacent, les fleurs se balancent et les oiseaux content fleurette, où la nature tout entière prêche l'esprit. Ce jeune homme d'à peine vingt ans

avait vu, la veille, près de la source, une jeune fille assise au milieu d'autres. Il était tombé aussitôt amoureux. Comme il apprit, lus tard, qu'elle était la fille de l'émir, il blâma son coeur et s'en voulut amèrement. Mais le blâme ne peut dévier le coeur de l'amour ni la plainte détourner l'âme de la réalité. Entre son coeur et son âme l'homme est une branche frêle tiraillée entre les vents du sud et les vents du nord.
Le jeune homme regarda autour de lui et vit une violette à côté d'un chrysanthème. Puis il entendit les confidences du rossignol au merle. Il pleura sur sa solitude et son isolement. Les heures de son amour passèrent devant ses yeux comme un cortège de fantômes et, tandis que ses sentiments s'épanchaient avec ses paroles et ses larmes,il dit:

"Voici que l'amour se joue de moi. Il m'a réduit à un objet de dérision et m'a conduit là où les espoirs sont considérés comme des vices et les souhaits comme avilissement. L'amour auquel j'ai voué une adoration a élevé mon coeur au rang du palais de l'émir, abaissé ma dignité au rang de la hutte du cultivateur et conduit mon âme vers la beauté d'une houri entourée d'hommes et protégée par la haute noblesse... Le suis tout obéissant, ô amour, que veux-tu? Je t'ai suivi sur des chemins de feu où les flammes m'ont brûlé. J'ai desillé mes yeux mais je n'ai vu que ténèbres. J'ai libéré ma langue mais je n'ai parlé qu'avec tristesse. Ô amour, l'ardent désir m'a assailli d'une faim spirituelle que seuls pourront apaiser les baisers de l'être aimé! Ô amour, je suis faible! Pourquoi m'affronter, toi qui es fort? Pourquoi m'opprimer, toi qui es juste et moi innocent? Pourquoi m'abandonner, toi qui m'as fait exister? Si le sang circule en moi contre ta volonté, fais-le donc verser. Si mes pieds suivent d'autres chemins que les tiens, fais qu'ils se paralysent. Fais ce que tu voudras de ce corps et laisse mon âme se réjouir de ces champs qui trouvent protection à l'ombre de tes ailes... Les rivières coulent vers

l'océan, leur bien-aimé; les fleurs sourient au jour, leur soupirant, et les nuées descendent dans le vallon, leur amant. Mais, ce dont je souffre, les rivières ne le savent pas, les fleurs ne le comprennent pas, les nuées n'en saisissent pas la nature. Me voilà donc solitaire dans mon épreuve, esseulé dans mon amour, loin de celle qui ne voudrait de moi ni comme soldat dans les troupes de son père, ni comme valet dans son palais."
Le jeune homme se tut, un instant, comme s'il voulait s'imprégner du langage de la rivière et du bruissement des feuilles des arbre avant d'ajouter: "Mais toi dont je crains d'invoquer le nom, toi que les rideaux de la grandeur et les murs de la majesté n'empêchent de voir, toi la houri dont je ne peux espérer la rencontre si ce n'est dans l'éternité, là où nous serons tous égaux, toi à qui obéissent les sabres, devant laquelle s'inclinent les têtes et s'ouvrent les coffres et les lieux de culte tu t'es emparée d'un coeur que l'amour a sanctifié, tu as réduit en esclavage une âme que Dieu avait élevée aux honneurs et tu as captivé un esprit qui était hier encore aussi libre que ces champs et qui est aujourd'hui prisonnier des chaînes de cet amour passionnel.
Rose Ene Ivoire Sur Un Fond De Satin Royalty Free Stock Image

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"Lorsque je t'ai vue toi la ravissante, c'est pourquoi j'étais venu au monde, et quand j'ai pris connaissance de la hauteur de ton rang et de la médiocrité du mien, j'ai compris que les cieux détenaient des secrets ignorés des humains et connaissaient des chemins qui conduisent les observant tes yeux, j'ai eu la certitude que cette vie était un paradis dont la porte est le coeur humain. En voyant ta noblesse et ma bassesse se livrer un combat pareil à celui où s'afrontent un géant et un nain, j'ai compris que cette terre n'était plus ma patrie.
Lorsque je t'ai vue, assise au milieu de tes suivantes, comme une rose au milieu des plantes aromatiques, j'ai cru voir s'incarner la fiancée de mes rêves et te voir devenir, comme moi, un simple être humain. Mais quand j'ai appris la gloire de ton père, j'ai compris qu'il n'est de rose qui se laisse cueillir sans que ses épines fassent saigner les doigts, et que ce qui se rassemble dans les rêves se trouve dispersé dans l'éveil..."
Alors, il se leva et marcha vers la source, les bras ballants et le coeur brisé traduisant la tristesse et le désespoir en ces mots:
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"Ô mort, viens me sauver! La terre où les épines étouffent les fleurs ne mérite pas qu'on y vive. Viens me délivrer de ce temps où l'amour est destitué de son trône glorieux conquis par le haute noblesse. Viens à mon secours, ô mort! L'éternité est plus digne que ce monde de réunir les amoureux. C'est là-haut que j'attendrai ma bien-aimée et m'unirai à elle."
Il parvint à la source alors que le soir s'apprêtait à faire son entrée et le soleil à replier son voile doré au-dessus du champ. Il s'assit et versa des larmes sur le sol que les pieds de la fille de l'émir avaient foulé, tout en penchant la tête contre sa poitrine comme pour empêcher son coeur de s'en échapper.
A cet instant apparut de derrière les saules une jeune fille qui laissait traîner sur l'herbe les pans de sa robe. Elle s'arrêta près du jeune homme et posa sa main soyeuse sur sa tête. Il la regarda avec les yeux d'un dormeur que les rayons du soleil viennent de réveiller. Il vit alors la fille de l'émir debout tout près de lui. Il se jeta à ses genoux comme le fit Moïse devant le buisson ardent. Et quand il voulut parler, il resta muet mais ses yeux, qui débordaient de larmes, vinrent suppléer à ses paroles.

Alors la jeune fille l'enlaça, posa un baiser sur ses lèvres et d'autres sur ses yeux, tout en lampant leurs chaudes larmes, puis elle dit d'une voix plus suave que la mélodie du nay:
"Je t'ai vu, mon amour, dans mes rêves et j'ai imaginé ton visage dans ma solitude et mon isolement. Tu es le compagnon de mon âme, ma belle moitié dont j'ai été séparée quand j'ai été condamnée à venir en ce monde. Je suis venue secrètement, mon bien aimé, pour te retrouver et voici qu'à présent tu es entre mes bras. N'aie crainte! J'ai abandonné la gloire de mon père pour te suivre aux confins de la terre et boire avec toi en l'honneur de la vie et de la mort. Lève-toi, mon bien-aimé, allons vers des terres reculées, loin des humains."

Les deux amoureux marchèrent parmi les arbres couverts par les rideaux de la nuit, sans avoir peur de l'opprobre de l'émir ni des fantômes des ténèbres.
Là-bas, à la lisière du pays, les éclaireurs de l'émir retrouvèrent deux squelettes humains. Au cou de l'un pendait un collier en or, et près d'eux se trouvait une pierre sur laquelle ces mots étaient écrits:

L'amour nous a réunis, qui pourra nous séparer?

La mort nous a emportés, qui pourra nous ramener?

Khalil Gibran

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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 22:03

Le premier regard

C'est l'instant qui sépare l'ennivrement de la vie et son éveil.

C'est la première lueur qui éclaire les recoins intimes de l'âme, la première note magique jouée sur la première corde de la lyre du coeur humain.
C'est l'instant fugitif qui rappelle dans l'oreille de l'âme les chroniques des temps passés, qui révèle à ses yeux les actions de la nuit et à sa clairvoyance les actions de la conscience dans ce monde et le secret de l'éternité dans le monde futur.
Il est la graine lancée de là-haut par Ishtar, que les yeux

plantent dans le champ du coeur, que les sentiments font croître et dont l'âme récolte les fruits.
Le premier regard d'une compagne est pareil à cet esprit qui voguait sur la surface des flots, engendrant le ciel et la terre quand Dieu prononça ces mots: "Que cela soit!"

Khalil Gibran

et vous, le premier regard, c'était comment?

proposé par mamadomi
rééd° du 06 11 08

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10 mai 2009 7 10 /05 /mai /2009 15:40

L'allumette

Sano Malifa

Né en 1952. Il a exercé divers métiers, dont celui d'ingénieur, en Nouvelle-Zélande, à Hawaï, à Washington, avant de rentrer et de se fixer dans son pays (Samoa).

L'allumette

Vermillon : Red Fiery Heart Banque d'images

Lorsque je craque une allumette
La flamme approche de mes doigts
Pour les brûler.
L'amour, l'amour quand il s'enflamme,
Si on ne l'éteint pas à temps,

http://api.ning.com/files/93H09BL1xwBz9mWs6OZsptVdiT8BW3JirjF1S66AdbKTqqa8SXWZOLQqF3co0-l1Y1GQ1o9I6XEO6Lgtm-yNraIzjuSxtuqQ/182286_523902534_amitie_H122844_L.jpg

Il finira par consumer
Le coeur et l'âme.
Le bois, c'est l'amour qui vous reste
A vivre, en espérant qu'un jour
A force de lente patience
Quelqu'un vous offrira son feu
Pour voir reprendre de plus belle
La flamme éteinte.

proposé par mamadomi

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5 mai 2009 2 05 /05 /mai /2009 22:13

Ils ne savent pas

http://dl2.glitter-graphics.net/pub/784/784692ut0ejq07fx.gif

Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. L'azur sans fin est immobile au-dessus d'eux; près d'eux le flot sans repos retentit. Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent avec des danses et cris. Ils bâtissent leurs maisons avec du sable; ils gréent leurs barques et, en souriant, les lancent sur la mer profonde. Les enfants tiennent leurs jeux sur le rivage des mondes.
Ils ne savent pas nager; ils ne savent pas jeter les filets. Les pêcheurs de perles plongent, les marchands mettent à la voile; les enfants cependnt rassemblent les galets, puis les dispersent. Ils ne cherchent pas de trésors cachés, ils ne savent

pas jeter les filets.
La marée monte avec un rire et le pâle éclat de la plage sourit. Les vagues chargées de mort chantent aux enfants d'incertaines ballades, comme chante une mère qui berce son bébé. Le flot joue avec les enfants et le pâle éclat de la plage sourit.
Sur le rivage des mondes infinis, des enfants s'assemblent. La tempête erre dans le ciel sans routes, les navires sombrent dans la mer sans sillages, la mort rôde et les enfants jouent. Sur le rivage des mondes infinis se tient la grande assemblée des enfants.

Rabindranath Tagore ~ L'Offrande lyrique

proposé par mamadomi

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Published by mamadomi - dans Amour
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