Pr J-Pierre Relier, est élève puis successeur du célèbre Alexandre Minkovsky au service de néonatologie de la maternité de Port-Royal, à Paris, le Pr J-Pierre Relier► a fait partie des "champions du monde" de la réanimation des grands prématurés. Que ces derniers aient aussi -et peut-être surtout- besoin de tendresse fut pour lui une révélation tardive et bouleversante.
Patrice Van Eersel en dit:
Il a connu une forme de conversion: alors qu'il était un réanimateur exceptionnel de nouveau-nés prématurés, il s'est révolté contre son propre camp, face aux excès purement techniques que l'on exigeait de lui -l"'exploit" allait jusqu'à réanimer des foetus de quelques centaines de grammes! Et alors, pour la 1ère fois de sa vie, il a senti la nécessité de s'interroger sur l'"âme" de ces tout petits bébés, question que les médecins ne se posent habituellement pas. Mais il a aussi connu une autre conversion, religieuse cette fois, puisque, de catholique presque intégriste (c'est lui qui le dit), il s'est ouvert à d'autres approches spirituelles (orientales notamment), ce qui a totalement changé sa façon de penser et lui a permis de revoir radicalement sa manière de travailler -dans la tendresse!
C'est là le résultat d'un cheminement que nous pouvons tous faire. Je l'ai personnellement vécu comme un grand bouleversement. Cela dit, j'aimerais en préambule évoquer la mémoire de ◄Claude Bernard. Même s'il s'est intéressé à l'homme aérien (càd après la naissance), et jamais aux bébés avant la naissance, il faut absolument lire son Introduction à la médecine expérimentale, surtout lorsque l'on veut faire soi-même de la recherche et pousser plus loin ses investigations. Je pense que nous entrons dans une époque où les somaticiens et les psychologues, les médecins ou les psychiatres, les spiritualistes comme les matérialistes, doivent tous prendre en compte ces nouvelles données:
les faits et l'expérience montrent que la vie commence dès la conception et même, selon certains, plusieurs jours avant... ce qui peut sembler invraisemblable - c'est notamment la thèse d'Adolphe Pinard►, professeur de clinique obstétricale au début du 20è s.
La découverte d'une détermination prénatale
Pour admettre qu'il existe à l'égard du futur enfant un besoin de tendresse avant même la conception, il nous faut sortir du sectarisme de toutes les religions, pour arriver à une grande philosophie universelle.
Je considère que la tendresse est le principe originel de l'homme. Sans tendresse entre l'homme et la femme, nous n'existerions tout bonnement pas. En tant que pédiatre néonatal, j'en suis venu naturellement à m'intéresser aux foetus et à démontrer la réalité physiologique qui existe dans la relation de la mère au foetus: nous nous trouvons là devant une situation "bio-affective" exceptionnelle, qui ne se reproduira plus jamais dans l'existence de l'être. C'est pourquoi cette période prénatale est une période infiniment privilégiée.
à 6 semaines►
Quelle différence existe-til entre la période embryonnaire et la période foetale?
A partir de 8 semaines, l'embryon commence à avoir des perceptions et il devient foetus: il enregistre alors de très nombreuses sensations qui vont s'incruster dans sa mémoire cellulaire. On peut ainsi schématiquement diviser la "fabrication" d'un bébé en quatre périodes:
- la période préconceptionnelle,
- la période conceptionnelle,
- la période embryonnaire
- et la période foetale, qui ne commence que 2 mois après la conception.
Ces 4 périodes sont toutes d'une importance égale, et toutes dépendantes les unes des autres.
La préconception.
Récemment, je me suis interrogé sur la période pré-conceptionnelle, entièrement centrée sur la tendresse que le couple échange sur le plan physique, aussi bien de façon tactile et visuelle qu'auditive, et plus généralement dans tout le domaine sensoriel. Il s'agit d'examiner le plan mental, le plan psycho-affectif et le plan que l'on pourrait qualifier de fantasmatique. Dans la recontre de l'homme et de la femme, il faut prendre en considération l'inconscient sensitif, sensoriel et affectif. Cette tendresse peut d'ailleurs être considérée comme un héritage transgénérationnel, càd transmis au fil des générations. Malheureusement, aujourd'hui, seule la pathologie transgénérationnelle préoccupe les gens, la façon dont nous nous transmettons certaines maladies. Mais la relation d'une génération à l'autre génère aussi des apports affectifs déterminants, au point qu'à un certain niveau, un enfant non désiré, ça n'existe pas!
En tant que somaticien, responsable du corps physique, je n'ai pas les mots qui me permettraient de vous faire comprendre ce qu'est l'inconscient. Dans le monde occidental, nous avons une sympbolique forte sur la puissance extraordinaire de l'inconscient lors de la période préconceptionnelle: c'est la longue attente de la naissance du "Fils de l'Homme" qui, dans la tradition biblique, a duré des siècles. Je ne sais pas si Jésus était "Fils de Dieu", mais tout l'Occident sait que ce fut un homme peu ordinaire...
Nous sommes évidemment loin des 15 jours de préconception du Dr Pinard! Mais cette attente fervente et passionnée du Messie, cet inconscient collectif focalisé sur cette attente, ont donné lieu à une culture au retentissement universel.
En Afrique, des rituels se pratiquent pendant la période de préconception, afin que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions. Cela se passe dans une tribu du Gabon où, quand un couple veut avoir un enfant, se met en place, avant même la conception, une période assez longue où l'homme et la femme ne doivent plus avoir de rapports physiques. La femme adopte alors une marche particulière (sur la pointe des pieds) pour pouvoir s'élever vers le ciel. L'homme, au contraire, doit marcher les pieds nus bien à plat. Ce respect mutuel et ces démarches les conduisent peu à peu à un acte sexuel exclusivement orienté vers la procréation, respectueusement dirigé vers l'être qui va naître. Et c'est là l'essentiel: ils ne font pas un enfant pour eux! On fait un enfant pour l'enfant, pour permettre à une âme baladeuse de s'incarner, afin d'évoluer. Savez-vous que, contrairement à ce que l'on dit habituellement des spermatozoïdes (on parle de "bagarres" entre eux), un seul est choisi, qui entre en résonance avec l'ovule, et tous les autres, avec une belle solidarité, vont propulser l'ovule vers la trompe! Il y a donc une "résonance" privilégiée entre le spermatozoïde et l'ovule, résonance qui va durer pendant toute la période de nidation.
La conception.
L'ovule fécondé s'installe dans la muqueuse utérine et recherche l'endroit où la vascularisation va lui permettre de se développer. Cette périoide, très importante, de fabrication du placenta et du liquide amniotique demande à nouveau une résonance totale entre les partenaires pour aboutir. Selon les embryologistes, sur 100 ovules fécondés, seuls 20 ou 30 conduiront au véritable embryon. La fécondation a lieu dans la trompe utérine, et il faut 2 ou 3 jours pour que les spermatozoïdes poussent l'ovule fécondé dans la cavité utérine. Souvent la femme est déjà enceinte de 2 ou 3 jours, mais l'ignore. Il faut que l'ovule trouve l'endroit idéal pour se nicher, c'est pourquoi beaucoup d'ovules fécondés disparaissent avec les règles. Ce qu'il faut retenir, c'est que tout oeuf fécondé ne donne pas lieu à une grossesse, loin s'en faut.
Pourquoi tant de grossesses n'aboutissent-elles pas? Dès qu'un ovule est fécondé, l'ovaire produit ce que l'on appelle le corps jaune, qui va aider l'ovule à trouver la place idéale. Pendant cette période, l'équilibre hormonal de la femme est modifié. Pour accueilir l'enfant, même au tout début, le corps féminin offre une tendresse fantastique. Il en va de même pour les spermatozoïdes, solidaires de celui qui a réussi à s'introduire. Tous ces déclenchements physiologiques sont, je pèse mes mots, des signes de tendresse pour "accueillir".
Nous en arrivons alors, mais alors seulement, à
L'embryon.
La "tendresse" du corps féminin est d'abord mobilisée pour fabriquer le placenta qui, physiologiquement mais aussi affectivement, est une substance extraordinaire. Jusqu'à présent, peu de biologistes se sont intéressés au placenta. On commence à peine à découvrir cette matière merveilleuse, absolument nécessaire au développement de l'enfant -nous-mêmes, peut-être cherchons-nous à certains moments de notre vie adulte à retrouver les conditions exceptionnelles d'alimentation et de développement que nous a apportées le placenta, quand nous étions embryon (◄ici 28j) puis foetus. Comprenons bien son rôle primordial: il est le lieu d'interaction entre la mère et l'enfant.
Le terme de "résonance" est employé plus haut pour parler de la relation entre le spermatozoïde et l'ovule. La résonance est d'abord un phénomène physique. Avec des instruments de musique, elle est facile à percevoir: on constate l'amplification des vibrations. En anatomie biologique, il faut parler de compatibilité. Pour la femme, les chromosomes de l'homme constituent a priori un corps étranger. Pour qu'il n'y ait pas rejet, il faut une compatibilité extra-ordinaire. Quand l'ovule est pondu, il cesse d'appartenir au corps de la mère en tombant dans la trompe, que l'on peut considérer comme "en dehors de la femme" (terrain neutre). Mais une fois l'ovule fécondé, on assiste à un étonnant retour vers l'utérus... sans rejet. La chose la plus étonnante, c'est que les spermatozoïdes ne soient pas rejetés comme des intrus.
Si l'oeuf convient, il s'accroche et il est nourri sans problème.
Pourquoi y a-t-il beaucoup de fausses couches à 3 ou 6 semaines?
On peut penser que le corps de la femme lui envoie un signe, lui disant qu'il n'est pas prêt. On peut aussi penser que, dans ces cas-là, c'est l'inconscient du couple qui n'accepte pas cette grossesse. Le couple est peut-être porteur d'un héritage transgénérationnel qui rend impossible la procréation malgré son désir d'enfant. Si le couple est porteur de situations inachevées, et que toute l'énergie vitale ne peut être donnée à cette procréation, la fabrication du placenta et de l'embryon pâtira de ce manque. Le stress de la mère en résonance avec l'embryon peut alors déclencher une fausse couche ou diverses séquelles: pendant la dernière guerre, avec le stress physique et psychologique, on compté beaucoup + de mort-nés, de fausses couches et de prématurés qu'en période normale. Un chercheur a par ailleurs démontré, il y a une dizaine d'années, qu'une angoisse brève mais violente de la mère pouvait provoquer des lésions par arrêt ponctuel de l'activité du cerveau des embryons.
Le foetus.
A près la ◄8ème semaine se mettent en place des récepteurs sensoriels qui vont permettre à l'enfant de se développer. Dans l'ordre, ce sont successivement les sensorialités olfactive, gustative, cutanée et labyrinthiques (càd dans le cerveau).
A partir de la 13ème semaine▼ s'organise la sensorialité auditive et en dernier la sensorialité visuelle, qui ne servira qu'après la naissance. En France, l'équipe de Benoît Schaal a travaillé sur la sensorialité olfactive, essentielle chez le foetus. Ce qui sert de stimulus à ces fonctions olfactives, c'est l'odeur du liquide amniotique, dont la composition se modifie selon la nourriture de la mère. Le foetus va donc pouvoir découvrir différentes odeurs. Il faut savoir que l'angoisse et le stress modifient également l'odeur de ce liquide, ce qui provoque par ricochet le bien-être ou le stress du bébé.
Dans ces conditions, seule la maman sait si elle peut mettre son enfant à l'aise. Dans nos civilisations occidentales, nous sommes malheureusement très directifs et retenus avec nos sentiments, et ce manque d'écoute et de reconnaissance de la sensibilité se révèle comme toujours très néfaste. Seule la mère qui laisse parler ses sentiments a un pouvoir protecteur sur son bébé et la capacité de le rendre heureux, par ex en mangeant ce dont elle a envie. Car il partage toutes ses sensations et ses moindres émotions.
Quelques jours après la sensibilité olfactive naît la sensorialité tactile, notamment autour de la bouche, endroit qui sera particulièrement important dans la période postnatale. Ensuite la sensibilité parvient aux extrémités des membres, ce qui permet au foetus de ressentir le liquide amniotique comme une seconde peau. Lors de la naissance, le liquide amniotique s'en va: c'est la 1ère véritable séparation du bébé et de sa mère.
Quand j'évoque la "sensorialité labyrinthique", je parle des canaux circulaires qui nous donnent, à nous adultes, la sensation du haut, du bas, de l'équilibre. Ces canaux sont les mêmes pour l'enfant. Ainsi, une mère acrobate qui a fait des exercices durant sa grossesse donne à son enfant l'habitude de ce genre de sensations. Il y a de fortes chances qu'il devienne lui-même un jour acrobate, indépendamment des capacités innées transmises génétiquement.
A ce stade d'évolution vestibulaire, le foetus a commencé à bouger, ses membres se développent, il a une énergie fantastique. Quand il s'agit de jumeaux, ils se touchent se saluent, et c'est tactilement qu'ils effectuent les premières manifestations de leur complicité intra-utérine. (à suivre....)
Pr JP Relier
proposé par mamadomi