





Entre-temps, il a déjà eu le temps de faire couler beaucoup d'encre. Celle des médecins, qui voient dans ces fèves une mine inépuisable de nouveaux remèdes. Un premier livre sur le sujet paraît en 1591.
Il suivi de beaucoup d'autres et le "chocolat de santé", stomachique, pectoral ou même purgatif sera plus recherché au cours des siècles suivants que le chocolat-douceur.

Le chocolat a fait aussi couler l'encre papale. ◄ Pie V, interpellé en 1569 sur la fameuse question du jeûne et du chocolat, répond, sans jamais avoir goûté ce dernier, qu'il fait bon ménage avec les jours d'abstinence. Ses successeurs, plus curieux ou plus gourmands, donneront des avis différents si bien que plus d'un siècle plus tard, on ne sait pas encore à quoi s'en tenir.
En 1671, madame de Sévigné (photo du haut) explique fort honnêtement (et épistolairement) à sa fille que le chocolat lui permet tout à la fois de se bien nourrir, quand elle en prend à dîner, et de bien jeûner quand elle en absorbe les jours de carême. "Voilà en quoi je le trouve plaisant, c'est qu'il agit selon l'intention", conclut-elle. La lettre date de février. Madame de Sévigné était alors une fervente admiratrice du chocolat. En aurait-elle abusé? Deux mois plus tard, une autre lettre fait entendre un son de cloches différent: "Je vous conjure, ma très chère bonne et très belle, de ne point prendre de chocolat... en l'état où vous êtes, il vous serait mortel" (mai 1671). Madame de Grignan était enceinte et n'avait pas encore accouché lorsqu'elle reçut de sa mère cette nouvelle information: "La marquise de Coetlogon prit tant de chocolat, étant grosse, l'année passée, qu'elle accoucha d'un petit garçon noir comme le diable, qui mourut..." (octobre 1671). Résultat, madame de Grignan était complètement dégoûtée du chocolat quand une énième missive lui conseille à nouveau d'en prendre "afin que les plus méchantes compagnies lui paraissent bonnes" (janvier 1672).

Plus sûr de ses goûts, Louis XIV refusa toujours, paraît-il, de prendre du chocolat. Il autorisa cependant la reine Marie-Thérèse►, gourmande de chocolat comme tous les grands d'Espagne, à en faire servir le soir à la cour. Il supprima cette distribution en 1693 car la dépense était trop considérable. Mais son peu de goût pour le chocolat ne l'avait pas empêché d'en voir l'intérêt commercial et d'accorder, par lettre patente (le 28 mai 1659) au sieur Chaillou, officier de la Reine, le privilège exclusif "de faire vendre et débiter une certaine composition qui se nomme chocolat". C'est ainsi que le premier chocolatier français ouvrit boutique à Paris, rue de l'Arbre-Sec.
B. Meyer


