ici, en illustration, vous trouverez quatre oeuvres de Marcos Rodrigo,
à retrouver sur son site ici
D'une certaine manière, mes parents étaient en avance sur leur temps. Ma mère travaillait, mon père pas.C'était lui qui venait me chercher à l'école et assistait aux réunions de parents d'élèves. Ma mère, elle, rentrait tard le soir.
J'aurais un père à la fois présent et absent. Il avait eu un accident cérébral. J'ai été élevée dans le secret espoir que je puisse un jour prendre sa relève. Le message de ma mère était:
"Tu seras un homme, ma fille".
Il fallait donc -et c'était bien la moindre des choses- que je sois indépendante financièrement. Et que je réussisse.
A une époque où les femmes travaillaient peu, c'était ma mère qui rapportait l'argent du ménage. Je me souviens qu'elle regardait avec la + grande condescendance ses aies femmes au foyer. Elle était passée de l'autre côté du miroir, elle se sentait supérieure, elle avait rejoint le clan des hommes. Son entourage l'admirait pour son courage et pour sa force.
Pendant longtemps, moi aussi j'ai admiré ma mère. Elle m'a ainsi transmis tout naturellement son mépris de ce qui, à l'intérieur de moi, ressemblait de près ou de loin à une femme.
◘ Ma douceur?
De la mollesse.
◘ Mon corps?
Seul l'intellect avait de l'importance.
◘ Mon besoin de donner et de recevoir de la tendresse?
Réservé aux enfants et surtout sans trop de contact physique.
◘ Ma beauté?
Un pouvoir sur les hommes.
◘ L'amour?
Ma mère m'a appris à aimer d'un amour fusionnel. Pour elle, 1+1=1. J'étais le prolongement d'elle-même. Sinon je la trahissais.
J'avais le droit d'être comme elle. De travailler et encore travailler. De réussir professionnellement, d'être forte. Surtout ne rien ressentir. Me blinder. Comme elle. Dois-je vous dire que ma mère pesait quarante kilos de trop ? Elle vivait sous antidépresseurs. Elle a subi 5 infarctus et un cancer. Son corps ne mentait pas. Il portait ses blessures, sa vulnérabilité, son désarroi, tout ce qu'elle ne s'était jamais autorisé à exprimer.
J'aurais pu suivre exactement le même chemin.
Aujourd'hui, je la remercie. Elle m'a appris à lutter, à me battre. Elle m'a appris le courage. Elle m'a montré ce que pouvaient être la force et la puissance d'une femme. Grâce à elle, j'ai aujourd'hui la liberté de choisir si oui ou non je veux me réconcilier avec l'autre partie de mon être. Avec ma féminité.
◄Leïla, Marcos Rodrigo
Depuis que j'ai entamé ce chemin, j'ai découvert sur ma route bien d'autres femmes semblables à elle, à moi. Elles luttent, elles se battent, elles se coupent de ce qu'elles ressentent. Pour rester à flot. Pour exister socialement. Pour pouvoir continuer d'avancer.
...Une jeune femme étudiante de 21 ans qui vit à Paris, éloignée des siens... pour fuir un sentiment de solitude qu'elle trouve "bête" et "ridicule", elle devient boulimique.
...Une autre, 35ans, directeur général d'entreprise, prend conscience qu'à force de ne pas exprimer ce qu'elle ressent, elle se fait maltraiter par son compagnon.
...Une autre, 29ans, est pour les mêmes raisons harcelée par son patron.
On pourrait multiplier les ex de femmes qui, parce qu'elles méconnaissent la part féminine de leur être, la bafouent, en général par personnes interposées.
Je ne parle pas ici de cas pathologiques, de femmes abusées ou battues qui sont des cas extrêmes. Je parle de vous, je parle de nous. Je parle de toutes celles qui trouvent normal d'être fortes, de serrer les dents, de taire des besoins pourtant légitimes. De toutes celles qui n'osent pas se montrer vulnérables. De peur qu'on ne les traite de "femmes".
Valérie Colin-Simard
Où en sont les femmes 40ans après mai 68?
Et si le féminisme
ne leur avait apporté que le droit d'être des hommes?
Dans tous les domaines, les femmes se sont adaptées à des schémas masculins: comme les hommes, elles parviennent à... se montrer actives, conquérantes, dominatrices. Pourtant, les "valeurs du féminin" (douceur, capacité d'écoute, expression de ses émotions...) sont indispensables à leur équilibre autant qu'à celui de la société.
Vers un nouveau féminisme? Le "féminin" est vital, nécessaire à l'équilibre physique et psychique. "Oser le féminin", c'est ne plus seulement vouloir être rentable, efficace, accumuler des biens et des pouvoirs. C'est aussi assumer la vulnérabilité, accepter la passivité, savoir recevoir et pas seulement donner.
C'est encore choisir d'écouter l'autre et de privilégier la négociation plutôt que la force. C'est pouvoir être une femme sans être une mère. La génération de l'après-féminisme osera-t-elle réhabiliter le féminin... en chacun?
proposé par mamadomi