Le système de retraite par répartition fait appel à la solidarité entre générations.
Le salaire comporte deux parties, le salaire direct, individuel, versé au travailleur et une cotisation qui est immédiatement transformée en prestation pour payer les retraités.
Ce principe de répartition a conduit à la construction d’un statut de salarié, grâce auquel les travailleurs précaires, mal payés, sont considérés également comme des cotisants et non pas comme des pauvres ce qui est le cas dans le système anglo-saxon. La pension de retraite préserve donc le statut acquis pendant la vie active.
La retraite est assurée du fait qu’elle est payée en temps réel, elle dépend du PIB.
Le risque est que les actifs se révoltent en refusant de payer pour leurs aînés ou votent un abaissement des retraites.
Pas de solidarité intergénérationnelle, c’est le “chacun pour soi”.
Le retraité vit des revenus de sa propre épargne-retraite (souvent moins imposée que le salaire). Au cours des 45 ans de sa vie active, quand son salaire le lui permet [1], il verse son épargne à des “fonds de pension”, qui sont gérés par des organismes financiers (compagnies d’assurance, banques), qui les investissent, en général dans des actions en Bourse, càd dans les fonds propres des grandes entreprises. Des fonds de pension d’entreprises pourraient même permettre que des salaires soient directement payés en actions de l’entreprise [2].
Le salarié est une simple “ressource humaine” qu’un capital doit valoriser.
Les retraites sont à la merci des marchés. Un krach, des faillites, peuvent donc les anéantir.
[1] La règle pour la capitalisation est un préfinancement par l’épargne salariale de 20 fois le montant des prestations, alors que la répartition n’en a évidemment pas besoin.
[2] C’est ce qui a permis à R.Maxwell, magnat de la presse britannique de puiser 740 millions de livres dans les caisses de retraite des sociétés de son groupe, spoliant ainsi environ 32.000 retraités.
La plupart des pays européens et même les états-Unis, ont un système par répartition pour la retraite de base, et des systèmes de capitalisation ou mixtes pour les retraites complémentaires.
__L’histoire__
C’est Colbert qui a lancé en France, en 1673, le premier organisme officiel ayant pour objet d’aider les invalides de la marine quittant leur emploi. Cette Caisse de prévoyance a servi de modèle, plus tard, à d’autres caisses étatiques instituées au profit de différentes catégories d’employés de l’Etat [1]: soldats, fonctionnaires, ouvriers des manufactures royales. Ces organismes fonctionnaient sur la base de la capitalisation: les retenues effectuées sur les soldes des marins, par ex, étaient confiées au Ministre de la Marine qui en assurait par la suite la redistribution.
Peu avant la fin du XIXème s., après l’apparition de caisses similaires dans le domaine privé, quelques “affaires” retentissantes attirent l’attention des autorités publiques sur les risques majeurs pouvant découler de méthodes de gestion de type frauduleux (détournement): une loi de 1895 oblige alors les entreprises à déposer l’argent dans des caisses gérées par les pouvoirs publics.
Au début du siècle, les quelques régimes de retraites existant sont des régimes d’entreprise fonctionnant souvent par capitalisation. Mais ce principe est progressivement mis à mal par les aléas de la Bourse et les crises économiques, qui ne permettent pas d’assurer à chaque retraité le revenu décent qui lui était promis.
Dès 1910, le principe de la répartition est mis en œuvre à travers des lois sur les retraites ouvrières et paysannes. C’est un échec: ce régime, non obligatoire, n’obtient pas le succès escompté parce que les cotisations apparaissent trop lourdes.
Les lois de 1928-1930 rendront les retraites obligatoires pour tous les salariés à petits revenus, mais suivant le principe de la capitalisation.
C’est la crise boursière de 1929 et ses suites qui amènent la faillite de la capitalisation, au point que les cadres revendiquent la répartition.
Un rapport retentissant publié en 1942, par Lord Beveridge► sur les liens entre croissance économique, plein emploi et protection sociale, est à la base du système anglo-saxon. Il repose sur deux dispositifs totalement séparés: des prestations fiscalisées (contribution type CSG qui finance la sécurité sociale) et un impôt général (qui finance l’assistance). Il est appliqué en Grande-Bretagne où existent aussi des régimes d’entreprises qui sont basés sur l’épargne salariale formant un stock de capitaux. C’est ce stock, qui doit être “valorisé” pour servir plus tard les retraites, qui est à l’origine des fonds de pension.
En 1978 les travaillistes avaient ajouté un régime de retraite complémentaire proportionnelle au salaire, que ◄Mrs Thatcher a réduit à portion congrue à son arrivée au pouvoir.
Bismarck est à l’origine du système continental qui a vu le jour à la fin du 19ème en Allemagne. Le flux des retraites n’y est pas financé par l’épargne, mais au contraire par celui des cotisations courantes, versées au même moment.
C’est un tel système de répartition qui a été institué en 1945 en France et que nous connaissons aujourd’hui: une retraite de base pour tous les salariés, gérée par la Caisse Nationale d’Assurance vieillesse des Travailleurs Salariés [2] ou similaires, et un complément versé par des caisses de retraite complémentaire [3] fonctionnant selon le même principe. Les cadres, en effet, se sont constitués en groupe social distinct mais à l’intérieur du salariat. Un cadre retraité de l’industrie privée reçoit un revenu contractuel dont le financement est assuré par les cotisations des salariés encore en activité, les organismes qui gèrent ces retraites étant paritaires, càd composés de représentants des salariés, des employeurs et de l’État. D’autres professions utilisent d’autres systèmes, associant capitalisation et répartition.
Au début des années 1980, la dérèglementation financière répandue dans le monde entier à l’initiative des Anglo-saxons a réduit le rôle du financement traditionnel des entreprises par les banques, au profit des marchés d’actions et d’obligations qui sont précisément alimentés par les fonds de pension. De sorte que le débat s’est déplacé: il ne s’agit plus de savoir lequel des deux systèmes permet de mieux assurer les retraites, mais de savoir si le financement de l’économie par les marchés financiers sera ou non plus efficace que le financement bancaire de naguère. Et c’est ainsi qu’on assiste à cette remise en cause du pacte social qui avait été établi en France il y a env. 50 ans.
La loi Thomas votée début 1995 introduisait des retraites complémentaires par capitalisation. Lionel Jospin s’est d’abord opposé à sa mise en œuvre, puis est revenu sur sa promesse de ne pas toucher au système de répartition. Il a confié au commissaire au Plan, J-M Charpin, la mission de faire un rapport sur le sujet. Il est question maintenant, outre de porter à 42,5 années d’activité le droit à une retraite à taux plein, d’ouvrir la voie, entre autres par des incitations fiscales, aux fonds de pension, ce qui constituerait une première brèche dans le système actuel.
L’enjeu est de savoir si l’économie doit être conduite par les détenteurs de capitaux au bénéfice des rentiers, ou si la priorité doit être donnée à une plus équitable répartition des richesses produites aujourd’hui entre ceux qui produisent, ceux qui produiront demain et ceux qui produisaient hier.
GR, juin 1999
[1] Les principes fondamentaux de la retraite des employés de l’état datent d’une loi de 1831 pour les militaires et de celle du 9 juin 1853 pour les autres fonctionnaires. Ce modèle s’est diffusé ensuite lentement et de façon incomplète à l’ensemble du salariat.
[2] organisme à caractère public, géré par les partenaires sociaux qui garantissent aux salariés ayant cotisé 40 ans de bénéficier d’une retraite égale à 50 % du salaire moyen des 25 meilleures années dans la limite du plafond de la sécurité sociale. La liquidation peut être demandée à partir de 60 ans. Le niveau des pensions est indexé sur les prix.
[3] Ces retraites complémentaires, d’origine professionnelle, sont devenues obligatoires il y a plus + de 30 ans. Les organismes paritaires qui les gèrent sont regroupés en deux fédérations: l’ARRCO pour les non-cadres et l’AGIRC pour les cadres. Les salariés du secteur public ont conservé des régimes spéciaux dont les conditions sont voisines de celles dont bénéficiaient les salariés du privé avant les réformes Balladur-Veil (indexation des retraites sur le salaire des actifs, retraite à taux plein après 37,5 ans d’ancienneté). Les agriculteurs bénéficient d’un régime spécifique largement prix en charge par la collectivité. Les indépendants et de profession libérale ont la possibilité de souscrire à des régimes par capitalisation depuis la loi Madelin de 1994.
et n'oubliez pas de faire un tour sur les liens suivants:
Sommes-nous en train d’élever une génération d’imbéciles?
re-merci carda...
proposé par mamadomi