Externalités négatives du changement:
On y est
Différents aspects des différents pesticides "naturels" utilisés dans l'agriculture dite biologique. Notons qu'aucun des produits insecticides en eux-même ne pourra faire l'objet d'une appellation AB, car celle-ci est interdite pour tous les biocides, mais pourra cependant recevoir l'appellation "écologique". On n'insistera pas trop sur la manière dont ils agissent sur les organismes à sang froid, wikipédia le fait très bien. Ce qu'il faut noter c'est que même un authentique désir de retour à la nature risque d'avoir de graves conséquences écologiques et humaines lorsqu'il n'est plus qu'une mode.
Le neem
(prononcer nim) ou margousier, est un arbre ayant de faibles besoins. Il semble qu'il n'y ait que peu de choses à lui reprocher: il fournit un insecticide assez performant, l'azadirachtine, bloquant les insectes à leur état larvaire. Une forte biodégradibilité à la lumière en font un agent éco-respectueux. De +, ses feuilles contiennent un anti-paludéen relativement efficace, et brûler ses feuilles semble suffire à repousser les moustiques de manière efficace. Une croissance rapide sous les climats chauds, un respect de l'environnement et une compatibilité avec les cultures vivrières, des propriétés à la fois répulsives pour les moustiques et anti-paludéennes en feraient probablement un allié de choix dans ce fléau; une arme contre le paludisme à faible coût serait d'autant + précieuse que cette maladie n'est pas prête d'interresser l'occident. Mais à ma connaissance seul le Sénégal s'est pour l'instant engagé dans des recherches sérieuses sur les moyens de développer une culture rationnelle du margousier en Afrique.
La roténone
Nous voici face à un produit auquel on a prêté toutes les vertus et auquel on fait le procès inverse. La roténone est issue des racines de différentes plantes d'Amérique du Sud. Son action insecticide est en fait une action biocide: la roténone bloque le système nerveux de tous les animaux à sang froid: insectes, arachnides, mais aussi poissons ou vers de terre...
Des chrysomèles menacent les cultures de maïs bio déjà montées en Savoie (ici en 2009), résultat: dépandage héliporté de deltaméthrine, puisque la roténone est interdite... avec la précision qu'on imagine |
L'agriculture biologique l'a utilisé de manière pemanente, pensant que son origine purement végétale, sa forte biodégradabilité, ainsi que son apparente inocuité pour les organismes à sang chaud en faisaient l'insecticide respectueux de l'environnement par essence. Hélas, une recrudescence des cas de maladie de Parkinson chez les agriculteurs bio et les apiculteurs, qui pensaient que ce produit épargnait les abeilles; une bio-dégradibilité en fait inférieure à ce que l'on pensait, avec risques pour la faune aquatique, ont fait montrer du doigt ce biocide. L'injection intra veineuse sur des rats par un scientifique qui souhaitait étudier le mécanisme de la maladie de Parkinson ont sonné le glas de la réputation de la roténone. Les viticulteurs bio ont de surcroît constaté une + forte résistance de la part des insectes appelant à lui trouver rapidement un remplaçant. Même si son ingestion directe par voie orale ne présente aucun danger, contrairement à une absorbtion par voie cutanée, le principe de précaution exigeait son retrait. La législation européenne semble avoir désormais interdit l'usage de ce produit. La France a dû le retirer de la circulation le 15 mai 2009 pour les particuliers, mais les producteurs de fruits ont disposé d'une dérogation jusqu'en 2011...!!
de la rotenone pour tuer tous les poissons du lac, afin d'ensemencer en truites,
...pour les pécheurs, c'est au Canada...
Le pyrèthre
Ce produit est connu depuis longtemps. Si il agit un peu de la même façon que la roténone sur le système nerveux des insectes, il ne semble pas avoir les mêmes effets secondaires. Quand il est utilisé à l'état natif et peu raffiné, il semble contenir 6 agents actifs rendant difficile l'adaptation des insectes.
Cela serait merveilleux si l'histoire de la pyrèthre ne se confondait avec celle de la colonisation belge en Afrique. Ce sont en effet les colons qui ont en effet introduit le pyrèthre de dalmatie aux abords du parc des Virunga (créé par les même Belges en 1925). Après une période florissante le cours du pyrèthre s'est effondré au lendemain de la 2nde guerre mondiale. Dans le cas du Rwanda, la culture a repris de manière intensive fin des années 70 sous l'impulsion d'investisseurs occidentaux et de fortes aides du FED (fond européen pour le développement). Cette aide a surpris à plus d'un titre dès 1979: encourager la monoculture est une aberration économique qui place les pays émergents dans une situation de forte dépendance: dépendance vis-à-vis d'investisseurs, vis-à-vis des caprices de la nature, vis-à-vis des caprices de l'histoire. La récente crise kényane, pour rester dans l'ex du pyrèthre en est un triste résultat: le Kénya est le 1er exportateur mondial de pyrèthre; avec des vagues de violence qui touchent ce pays depuis le début des années 2000 la production s'est effondrée, provoquant une flambée des prix, et faisant craindre pour tous les pays d'Afrique de l'Est que les Occidentaux ne trouvent des produits de substitution.
Outre l'aliénation économique, la culture intensive a provoqué une érosion des sols: un comble quand on sait que les paysans rwandais maîtrisaient jusque là l'agriculture sur pentes, avec un savoir-faire inégalable. Enfin, du fait de ce qui semblait une manne, les frontières du parc national des Virunga ont été divisées par 2 dans les années 80. Si l'on considère les problèmes liés à ce parc, en particulier en République Démocratique du Congo (braconnage, rebelles ayant trouvé refuge pour leurs guérillas dans cette immense réserve naturelle et se nourrisssant d'espèces menacées) qui contient parmi les + grands trésors biologiques d'Afrique, on peut craindre le pire sur plusieurs plans:
• Ecologique: le gorille à dos argenté ou gorille des montagnes, n'existe quasiment plus qu'à cet endroit à l'état sauvage. La disparition de son habitat sera inéluctable si l'on encourage de la même façon que dans les années 80 la culture du pyrèthre, avec le manque de réelle relance économique et la même issue lamentable à moyen terme.
• Economique: pour en rester au Rwanda, en l'état celui-ci vit surtout des ressources touristiques apportées par la présence des gorilles dans le parc (avec 2 effets pervers d'ailleurs: une haine du gorille se développe face au comportement des touristes si attentifs au sort des gorilles, et si peu aux populations meurtries des abords de la réserve; de + ce sont certains de ces mêmes touristes qui achètent des crânes de gorilles "souvenirs" servant de cendrier, et des mains de primates naturalisées encourageant ainsi le braconnage). En attendant une solution réellement pérenne le touriste permet au Rwanda de vaguement emmerger.
• Humain: c'est surtout aux frontières de République Démocratique du Congo que se posent les problèmes les + sérieux: les gardes congolais de la réserve, dont le travail est tout simplement héroïque, sont sur les nerfs; le nombre de gardes tués par des rebelles ou des braconniers ces dernières années ne se compte plus. Dès lors, comme les habitations et les plantations empiètent de + en + sur le parc, il y a eu des cas de bavures graves, comme ces 2 enfants tués parce que les gardes à bout de nerfs ont cru qu'il s'agissait de braconniers, alors qu'ils gardaient la récolte parentale. Il est à craindre qu'un trop grand encouragement de la culture du pyrèthre n'aboutisse à un nouveau grignotage des frontières du parc, d'autant que son inscription au patrimoine mondial de l'Unesco est semble-t-il menacée à cause de l'insécurité de cette zone. A moins que cette réserve ne disparaîsse purement et simplement, il est à craindre que ce genre de drames ne se multiplient dans tous les pays qui bordent le parc de Virunga. Evidemment les espèces menacées abritées dans ce parc ne pourraient que pâtir d'une haine à l'égard de cette réserve provoquant de tels problèmes.
Notons que Madagascar semble à son tour attirée par la culture du pyrèthre: outre les problèmes économiques que cela provoquera sur le long terme, cela risque d'encourager une déforestation déjà bien entamée, rendant ineluctable la disparition de la faune unique de cette île.
• Ironie du sort: le pyrèthre est uniquement destiné à l'exportation alors qu'un des bienfaits de cette chrysanthème est d'empêcher les moustiques de piquer: la lutte contre le paludisme ne profite même pas de cette plante dont la culture semble engendrer tant de problèmes sur le long terme...
Malheureusement, je n'ai pas de solution de rechange à proposer en l'état, je ne peux que recommander à mes amis africains la + grande vigilance vis à vis de la culture du pyrèthre: il existe déjà une surveillance gouvernementale de cette culture au Rwanda, mais face à l'explosion de la demande (qui aura forcément lieu si l'interdiction de la roténone devient effective) je ne sais si un engrenage dangereux ne va pas se déclencher; qui au final n'aboutira qu'un peu + à ruiner l'Afrique.
cultures clandestines qui menacent le parc des Virunga
proposé par mamadomi