Michael Oswald
Aristote et...
la philosophie chrétienne
Saint Thomas d'Aquin est le + grand théologien du Moyen Age. Le thomisme, synthèse du système païen d'aristote et de la pensée des Pères de l'Eglise, est devenu, après bien des résistances, doctrine officielle de l'Eglise, il est aujourd'hui encore profondément vivant.
Il défend l'idée fondamentale de l'accord entre foi et raison, que celle-ci conforte, mais ne peut démontrer. Il accorde toute sa place à la philosophie: il existe un champ spécifiquement philosophique, champ où la raison naturelle, réglée par ses lois propres, est en mesure de connaître une nature que les lois nécessaires régissent. C'est donc en dehors de la foi que la philosophie s'achève. Sous cet angle, Thomas est le 1er philosophe moderne.
Ce point de vue comporte la tentation de soumettre la foi au jugement de la raison. Le XVIIè s. et surtout le XVIIIè s. succomberont à cette tentation et feront de la raison le porte-drapeau d'un combat contre l'Eglise.
Saint Thomas, tout en les unissant, sépare 2 domaines:
- celui des vérités de la raison,
- et, celui des vérités de la foi.
La foi est envisagée comme adhésion ferme et totale à la parole de Dieu. Elle n'est pas un élan aveugle de la sensibilité,
ou le sacrifice de l'intellect (ainsi, la création du monde relève de la foi pure).
La raison est une lumière naturelle procédant de Dieu: elle illumine l'Esprit humain et soutient l'autorité de la foi. La raison, bien entendu, permet d'acquérir les vérités qui ne relèvent pas directement de la foi et lui sont accessibles. Ce pouvoir de connaître est inhérent à la raison.
L'homme agit par un jugement rationnel et libre, par discernement, et il se distingue ainsi des animaux. Son ultime bonheur réside dans la contemplation du divin; en ceci, Thomas reste fidèle à Aristote. Enfin, la théorie de la vérité, telle que l'élabore Thomas, a profondément marqué la philosophie.
Liberté, contemplation, vérité
L'homme ne semble pas libre. Pour aristote, être libre, c'est être cause de soi, ce qui ne se peut pour l'homme; pour les "religieux", Dieu meut la volonté de l'homme, qui ne peut donc faire ce qu'il veut. Saint Thomas fonde la liberté humaine sur la raison.
"L'homme est libre; sans quoi conseils, exhortations, préceptes, interdictions, récompenses et châtiments seraient vains.
Pour mettre en évidence cette liberté, il faut remarquer que certains être agissent sans jugement¹, comme par ex la pierre qui tombe; il en est ainsi de tous les êtres privés du pouvoir de connaître [?].
D'autres agissent d'après une appréciation, mais qui n'est pas libre, par ex les animaux: en voyant le loup, la brebis saisit par un discerment naturel², mais non libre, qu'il faut fuir; en effet ce discernement est l'expression d'un instinct naturel et non d'une opération synthétique. Il en est de même pour tout discernement chez les animaux.
Mais l'homme agit par jugement, car c'est par le pouvoir de connaître qu'il estime devoir fuir ou poursuivre une chose. Et puisqu'un tel jugement n'est pas l'effet d'un instinct naturel, mais un acte de synthèse qui procède de la raison³, l'homme agit par un jugement libre qui le rend capable de diversifier son action. En effet, à l'égard de ce qui est contingent, la raison peut faire des choix opposés, comme le prouvent les arguments des dialecticiens et les raisonnements des rhéteurs. Or les actions particulières sont, en un sens, contingentes; aussi le jugement rationnel peut-il les apprécier diversement et n'est-il par déterminé par un point de vue unique. Par conséquent, il et nécessaire que l'homme soit doué du libre arbitre, du fait même qu'il est doué de raison."
L'Être et l'Esprit
La vérité, Jules Joseph Lefebvre >
L'ultime bonheur de l'homme ne se trouve pas dans les biens extérieurs (fortune, corps, etc...)...
"Seule, la contemplation de la vérité4 est propre à l'homme, aucun animal n'en étant capable [?]; et elle n'est pas subordonnée à une autre fin: la contemplation de la vérité est recherchée pour elle-même5 . En elle, l'homme retrouve par ressemblance les êtres qui sont supérieurs, car elle est la seule activité humaine dont il existe un équivalent en Dieu et chez les substances séparées. Grâce à elle, il rejoint ces êtres supérieurs dans la mesure où il parvient à les connaître. Pour cette activité, l'homme se suffit, n'ayant besoin que d'un faible secours des choses extérieures pour l'exercer.
Elle apparaît même comme le but de toutes les autres activités humaines. En effet pour parvenir à son terme, la contemplation requiert la santé du corps, but de tous les travaux nécessaires à la vie; elle présuppose aussi l'apaisement des passions, but des vertus morales et de la prudence, et enfin la sécurité extérieure, but de l'activité politique. En somme, pour un regard fidèle aux choses, toutes les fonctions humaines paraissent être au service de la contemplation de la vérité." L'Être et l'Esprit
Thomas s'intéresse à la connaissance de Dieu et, par conséquent, à la vérité.
"On l'a déjà dit, le vrai, selon sa raison formelle première, est dans l'intelligence6.
Puisque toute chose est vraie selon qu'elle possède
la forme qui est propre à sa nature,
il est nécessaire que l'intellect en acte de connaître
soit vrai en tant qu'il y a en lui la similitude de la chose connue,
similitude qui est sa forme propre en tant qu'il est connaissant.
Et c'est pour cela que l'on définit la vérité par conformité7 de l'intellect et de la chose. Il en résulte que connaître une telle conformité, c'est connaître la vérité." Somme Théologique, Dieu, question 16, art2.
J.Russ, C. Badal-Leguil
¹ Sans jugement: sans qu'il y ait un acte de l'esprit posant une relation entre les termes.
² Un discernement naturel: une saisie et une connaissance de données de manière spécifique à travers un comportement héréditaire (voir l'instinct).
³ La raison: cette raison est, ici, une fonction donnant naissance à un acte de synthèse se construisant à partir des choix possibles.
4 La contemplation de la vérité: il ne s'agit pas de la saidie de réalités ordinaires, mais de la vision et du regard spirituels se portant sur les réalités divines.
5 La contemplation de la vérité est recherchée pour elle-même: ces analyses font songer à celles de l'Ethique à Nicomaque (Aristote)
6 Intelligence: conçue comme faculté de connaître. La perfectgion de l'intelligence, c'est le vrai connu.
7 Conformité: ici, correspondance, adéquation.
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proposé par mamadomi