illustré par Dennis Konstantin
On ne connaît pas, à un milliard d'années près, l'époque où fut inventée, dans les mers, la sexualité. Celle-ci pousse l'"amour cellulaire" à son + haut degré puisque, avec elle, 2 cellules fusionnent pour n'en plus faire qu'une. Or "qui fait ainsi un oeuf fait du neuf", car l'oeuf porte en lui un être totalement original, toujours différent de ses parents. (Discipline de référence: biologie de la reproduction)
Voici donc la cellule type avec son noyau et ses organites -chloroplastes, mitochondries- noyés dans le cytoplasme, telle qu'elle est traditionnellement décrite dans les ouvrages de biologie. Cette cellule est beaucoup + grosse qu'une bactérie et concentre son matériel génétique au sein du noyau. Dès lors que ce noyau est entouré d'un volumineux cytoplasme, il n'est plus question d'échanger du matériel génétique de cellule à cellule, comme le faisaient les bactéries avec une grande souplesse et une étonnante "liberté". Désormais, le matériel génétique, l'ADN, est coincé, enclavé dans le noyau. Fini le libre échangisme! Il va falloir inventer un nouveau mode de communication génétique dont la bonne compréhension va exiger un petit effort du lecteur.
En fait, les bactéries bénéficient de 3 privilèges résultant de leurs caractéristiques structurales et organisationnelles.
- Un diamètre minuscule, de l'ordre du micromètre, qui leur confère néanmoins une surface importante, rapportée à leur volume, de sorte que les échanges avec l'extérieur sont intenses;
- des gènes interchangeables, conséquence logique de cette petitesse;
- enfin, des métabolismes très rapides, très adaptatifs, très diversifiés.
Leur génome est fort réduit, mais cette pauvreté ne constitue pas vraiment un handicap, puisqu'elles sont capables d'échanger aisément des gènes utiles avec d'autres souches.
Que les conditions environnementales viennent à se modifier, et les bactéries s'adaptent en puisant chez leurs voisines, équipées du gène nécessaire, le matériel adapté à la vie et à la nutrition dans le nouveau milieu.
Que l'homme vienne à utiliser contre elles des antibiotiques et très vite se propagent, de bactérie en bactérie, les gènes conditionnant la résistance à ces antibiotiques, qui rendent obsolètes les remèdes existants. C'est pourquoi il faut en créer sans cesse de nouveaux, lesquels généreront à leur tour de nouvelles résistances, contraignant chercheurs et fabricants à une perpétuelle fuite en avant.
Ainsi, les bactéries possèdent la singulière particularité d'être à même d'échanger entre elles des gènes en dehors de toute reproduction sexuée. Chez elles, la communication fonctionne à grande échelle. Cette pratique du "libre-échange" des gènes ignore les contraintes classiques de la sexualité qui limitent la communication sexuelle- donc l'échange de gènes- aux seuls individus de même espèce: pas de sexualité féconde entre le chien et le chat, et moins encore entre l'éléphant et le coquelicot!
Etrangement, le système de communication génétique très ouvert que pratiquent entre elles les bactéries évoque déjà l'émergence -encore fort lointaine, car située à l'autre extrémité de la pyramide des êtres- de la conscience: avec l'avénement de l'humanité, au-delà des contraintes de la biologie, le monde de l'esprit permettra également la multiplication et la diffiusion des échanges culturels et spirituels entre individus, races, nations.
En somme,
ce qui est impossible entre espèces biologiques étroitement enfermées
dans les barrières génétiques excluant tout croisement fécond avec d'autres
l'est entre groupes sociaux étrangers
et entre souches bactériennes différentes!
Comme l'humanité dans sa culture -à défaut de l'être dans sa biologie-, le monde bactérien est + "libre", + souple, + adaptatif et + communicatif que les mondes végétal et animal! Cette forme de "liberté" ne se retrouvera que dans les sociétés humaines où des croisements entre cultures ou religions -malgré, là encore, bien des barrières!" se révèleront possibles, parce qu'ils sont de l'ordre de l'esprit.
De la bactérie à la cellule à noyau, les 3 lois qui fondent le monde bactérien -petite taille, génome réduit, génome échangeable- ont été transgressées. Une bactérie, on l'a vu, a gonflé sa taille, a enclavé une bactérie + petite à forte capacité énergétique, ancêtre des futures motichondries, et une algue bleue à chlorophylle, ancêtre des chloroplastes. De surcroît, elle a accumulé un patrimoine génétique important par emprisonnement de petits filaments d'ADN initialement répartis de façon diffuse dans son cytoplasme, ou prélevés dans le milieu extérieur et désormais concentrés dans le noyau. Du coup, l'échange de gènes avec ses voisines est devenu impossible.
Cette cellule à peine créée, la compétition s'exerce avec les bactéries voisines qui se divisent + rapidement qu'elle par scissiparité et risquent de devenir envahissantes. Or, à la différence des bactéries, notre malheureuse cellule est incapable de s'adapter en puisant du matériel génétique auprès de ses voisines. Si elle n'a pas la chance de bénéficier d'une heureuse mutation génétique -chance aussi mince que celle de gagner au Loto!", les risques de se voir éliminer pour cause de non-adaptation sont sérieux.
Car l'adaptation à des conditions de milieux variés, sans cesse changeants,
exige la détention de gènes appropriés.
Faute de les posséder, notre cellule eucaryote - et donc ses descendantes- aurait peut-être disparu, pétrifiée dans sa formule génétique immuable, si elle n'avait inventé- mais au bout d'un temps très long, peut-être 500 millions d'années -un processus permettant un autre système d'échange de gènes.
Ce processus, c'est la sexualité!
Désormais, 2 cellules appartenant à des souches possédant un patrimoine génétique voisin, mais légèrement différenciées par le jeu des mutations, se révèlent susceptibles de fusionner pour donner un nouvel individu.
Jusqu'alors, les cellules se multipliaient par scissiparité: une cellule primitive, bactérienne ou eucaryote, se divisait en 2, puis chaque cellule fille en faisait autant, et cela indéfiniment, de génération en génération. Les générations étaient courtes, d'une vingtaine de minutes à quelques heures, quelques jours au +. Car la vie d'une cellule est brève dès lors que son seul "désir" est manifestement d'en faire 2, de donner ainsi naissance à de fidèles répliques reproduites, division après division, à des milliers, des millions, des milliards d'exemplaires.
Si l'on en croit les fossiles, l'invention de la sexualité remonterait à un milliard d'années, encore que ce chiffre ne fasse pas l'unanimité. Son principe est élémentaire: à partir du moment où une cellule, en se divisant, en donne 2, il est possible d'imaginer le mécanisme inverse par lequel 2 cellules, en fusionnant, en redonnent une,... ou + exactement une autre! Car par le jeu des mutations accumulées, le patrimoine génétique des 2 cellules parentes, quoique voisin, n'est pas rigoureusement identique. La sexualité apparaît donc comme un moyen de faire du neuf avec de l'existant, selon l'adage de Langaney: "qui fait un oeuf, fait du neuf!" C'est un processus authentiquement créateur, l'acte de création résultant de l'additivité et, + encore, ici, de la "sympathie" entre 2 cellules sexuelles appelées gamètes. Car, dans le milieu marin où nous sommes toujours, les 2 cellules destinées à fusionner se reconnaissent par des émissions chimiques, leur "élection" s'effectuant en fonction de subtils phénomènes de compatibilité qui semblent déjà aussi complexes, à l'origine des temps, qu'ils le sont aujourd'hui dans la sexualité humaine.
Le jeu des mutations induites par le milieu, enregistrées par les gamètes, et des recombinaisons entre mutants par la sexualité, confère ainsi aux cellules à noyau un formidable pouvoir d'innovation et de variation. Qui dit variation dit différence dans les capacités d'adaptation aux changements permanents du milieu et, par conséquent, capacité, pour la vie, de surmonter les obstacles qu'elle rencontre en chemin, en éliminant les individus les moins adaptés et en favorisant les autres. Car, par ces processus, la vie conserve les fruits des mutations les + favorables et des unions les + heureuses, assurant la permanence des espèces et la sienne propre par-delà les accidents et changements qui perpétuellement la menacent.
Mieux que tout autre phénomène, la sexualité illustre le principe de l'additivité créatrice. Plus encore que la symbiose d'éléments distincts, la fusion génère un être neuf, doué de propriétés différentes de celle des parents. Nous ne sommes pas la moitié de notre père ajoutée à la moitié de notre mère: nous sommes un être neuf, tant il est vrai que le tout est toujours + que la somme des parties. A contempler des enfants, à les comparer à leurs parents, on n'a aucun mal à se convaincre que la diversité est le fruit spectaculaire de l'additivité créatrice.
Ainsi, la sexualité produit sans cesse des êtres nouveaux, et, entre eux, une diversification telle qu'aucun individu, jamais, n'est identique à ses parents. On a pu calculer que pour un couple humain, le jeu des combinaisons des cellules sexuelles permet d'imaginer 64 000 milliards de combinaisons possibles pour chaque oeuf produit. Chacun de nous n'avait donc qu'une chance sur 64 000 milliards d'être qui il est, càd ce fils ou cette fille de ses parents.
Il en va de même pour chaque couple humain, et pour chacun de ses enfants. Autant dire que nous sommes tous des exemplaires uniques issus d'un oeuf unique. On conçoit que, sur 7 milliards d'hommes, il n'en est pas 2 qui se ressemblent, sauf les vrais jumeaux, qui, issus d'un même oeuf divisé ensuite en 2, comme l'aurait fait une bactérie, nous donnent une idée de ce que serait le monde sans sexualité: un monde statique d'êtres en tous points identiques et qui ne se reconnaîtraient même pas dans la rue, puisqu'ils seraient rigoureusement interchangeables. Un monde de clones tel que l'imaginent les auteurs de science-fiction.
Mais la sexualité a ses lois, établies dès les origines. Pour les gamètes qui fusionnent, c'est le don sans retour, la fusion dans un tout, tout neuf. Pour le couple réussi, l'enjeu reste le même, même si la personnalité propre des partenaires subsiste jusqu'au bout. En dépit des apparences, la sexualité garde des traits fondamentalement conservateurs dont on retrouve les marques d'un bout à l'autre de l'échelle de la vie. Elle évolue moins vite dans ses modalités, s'adapte moins rapidement à l'environnement que les autres organes ou fonctions. Alors que la plupart des animaux ou des plantes ont réussi leur adaptation à la vie terrestre voilà 400 millions d'années, la rencontre des cellules sexuelles continue à se faire -et ce jusque chez les animaux supérieurs, y compris chez l'homme - dans un milieu aquatique, grâce à des spermatozoïdes nageurs et ciliés. Au moment de se reproduire, l'animal se souvient de ses lointains ancêtres marins.
Observés au microscope, les spermatozoïdes se déplacent sous l'impulsion des battements de leurs flagelles. Or, la microstructure de celles-ci correspond exactement à celle des très anciens Flagellés bactériens. Comment expliquer qu'un même schéma organisationnel se maintienne chez des Eurcaryotes sans aucun rapport immédiat avec les bactéries flagellées?
Ces concordances structurelles sont si évidentes, la ressemblance de ces flagelles est telle que l'on a pu formuler l'hypothèse d'une très ancienne symbiose entre des bactéries flagellées et de très primitifs Eucaryotes. Les gamètes, ou spermatozoïdes, résulteraient de cette symbiose: la tête de la bactérie flagellée serait restée fixée dans la membrane cellulaire, et le flagelle tourné vers l'extérieur, conservant sa mobilité. Bref, nos spermatozoïdes se déplacent au moyen de flagelles inventés il y a des milliards d'années, avant même que n'existent la cellule eucaryote, ni, bien entendu, la sexualité.
Seules les plantes supérieures à fleurs, à fruits et à graines ont fait preuve de modernité en débarrassant leurs spermatozoïdes de ces flagelles que les animaux, à tous égards + mobiles, ont néanmoins conservés. Cette autre manifestation d'additivité symbiotique confère au spermatozoïde animal ses caractéristiques de mobilité et de vitalité.
Bien +, dès l'apparition des 1ers êtres sexués, aux origines donc de la sexualité, voici un milliard d'années, le subtil jeu dialectique des attirances et répulsions mutuelles est engagé. Il annonce déjà les risques d'échec, de déception, de frustration, de stérilité, bref, cette incertitude fondamentale qui semble être l'apanage et l'originalité de la sexualité, d'où découlent les peurs et tabous qu'elle a suscités de tous temps.
Nous venons de franchir d'un seul pas -de géant- l'abîme qui sépare le 1er Eucaryote sexué de l'Homme. Entre ces 2 inventions de la vie, distantes d'un bon milliard d'années, une étape essentielle a dû être parcourue: le passage à la vie pluricellulaire.
à suivre...
J.M. Pelt
résolument,
les postures racistes et xénophobes ne sont donc, d'un point de vue biologique, pas adaptées à l'évolution...
c'est une voie sans issue...
pas d'adaptation parce que: pas de mélange = pas de survie!!
proposé par mamadomi
rééd° 28 10 13