





Et comment en serait-il autrement?
Plus la tristesse creuse profond dans votre être, plus s'ouvre en vous un espace pour la joie.
La coupe qui contient votre vin n'est-elle pas celle qui passa par le four du potier?
Et le luth qui pacifie votre âme n'est-il pas cette pièce de bois qui fut creusée par le couteau?
Lorsque vous vous réjouissez, regardez, regardez dans les abîmes de votre coeur, vous découvrirez que ce qui vous donna la tristesse est cela même qui vous donne la joie.
Et quand vous êtes submergés par le chagrin, regardez à nouveau dans votre coeur, vous vous apercevrez que ce que déplorez n'est que cela qui vous fut jubilation.
Certains d'entre vous disent: "La joie a plus de grande valeur que la tristesse."
Et d'autres disent: "Non, la tristesse a plus de valeur."
Or moi, je vous dis: Les deux ne sont pas séparables.
Elles arrivent ensemble, et quand l'une d'elles s'installe seule à votre table, souvenez-vous que l'autre dort dans votre lit.
En vérité, entre votre joie et votre tristesse, vous êtes suspendus comme les deux plateaux d'une balance.
Et vous ne reposez et ne vous équilibrez que lorsque vous êtes vides.
Et lorsque le gardien du trésor vous soulève afin de peser son or et son argent, inévitable est pour votre joie ou votre tristesse que l'une monte et que l'autre descende.
Khalil Gibran



rééd° du 10 10 08